Selon une étude BVA, en France, près de 31% des actifs de plus de 18 ans auraient bénéficié d’une formation en 2022. C’est bien mais c’est encore peu ! Et c’est inférieur aux scores ante Covid (39% en 2019). Notre système français de formation professionnelle “répond” mais visiblement, il est loin encore de l’optimum (si on considère que 70% des actifs n’ont pas eu de formation l’an dernier !)
A l’époque où l’on parle sans cesse de “ré-industrialisation” et d’économie de la “connaissance”, voici donc deux excellentes raisons de poursuivre l’amélioration de notre système de formation. Faisons d’abord un état des lieux. Examinons aussi ce que nous pourrions copier (et adapter à la française) dans les systèmes de formation de nos voisins européens, ainsi que de certains compétiteurs asiatiques.
8 atouts de notre système de formation
Notre système de formation professionnelle possède des atouts, notamment les suivants :
- Un sujet consensuel. Patrons ou salariés : la formation professionnelle fait quasiment consensus. De nombreux accords d’entreprises ou branches se signent ! Les Pouvoirs publics ne sont pas en reste.
- Un large réseau de centres de formation. Même dans des territoires ruraux ou ultra-marins… (on comptait + de 125.000 organismes de formation déclarés et actifs mi-2023 !)
- L’offre de formation est profonde et variée. Les organismes de formation adaptent leur offre. Même si rien n’est parfait !
- Des dispositifs de financement et de nombreux acteurs prêts à accompagner actifs et employeurs ! En tous cas pour certains publics : insertion, demandeurs d’emploi, apprentis, etc.
- Notre système de validation des acquis de l’expérience change. Combinée à l’AFEST / formation en situation de travail, la “nouvelle” VAE (RIVA) serait prometteuse…
- Nos OF, OPCO’s, les universités d’entreprises, sont prêts à l’innovation pédagogique dans les pratiques formatives concrètes…
- Les métiers de la formation sont enfin reconnus et se professionnalisent (nous ne sommes pas peu fiers d’y contribuer chez C-Campus, en formant jusqu’à 2000 acteurs de la formation en entreprises chaque année : tuteurs, référents AFEST, formateurs internes, formateurs professionnels, concepteurs pédagogiques, etc.)
- Des actifs qui au travers par exemple de l’entretien professionnel et du CPF, s’intéressent de plus en plus au développement et au maintien de leurs compétences !
8 limites, aussi…
Nous avons commencé par le positif, voyons là où ça coince, sans langue de bois et sans non plus tomber dans le french bashing
- Un excès bureaucratique : accumulation de règlements, contraintes et contrôles, se traduisant par… plus de paperasses et reporting … Hélas souvent au détriment des ressources consacrées à l’ingénierie, aux différentes approches pédagogiques ou la professionnalisation des formateurs. On a envie de dire : halte au feu ! De nombreuses PME et ETI risquent de décrocher ou faire le minimum en matière de formation du personnel, si elles doivent absorber une charge administrative en expansion !
- La complexité et les changements fréquents du cadre juridico-réglementaro-financier. Décrets, arrêtés, directives, circulaires, jurisprudences etc. s’ajoutent aux lois, qui changent régulièrement (et se contredisent parfois). Et cela ne fait pas toujours l’objet de mesures d’impacts…
- Un système fragmenté : trop d’acteurs, de trop petites tailles, pas assez coordonnés. Des “tuyauteries” complexes, pertes de temps et d’argent et difficultés du passage à l’échelle (ou aux économies d’échelles !)
- La formation encore vue comme une charge et pas comme un investissement ! Cet état d’esprit est long à faire changer…
- Des filières de formation sans débouchés ou qui n’ont plus réellement de marchés (survivant en mode zombie),
- Des dispositifs pas toujours souples ou adaptables aux besoins de certains publics,
- Des coûts cachés (administratifs, de structure, de fonctionnement, de déplacements, d’hébergement, etc.) de la formation qui peuvent faire peur, quand on les compare aux montants réellement consacrés à la formation,
- Le sacro-saint diplôme : vraiment incontournable ?
Benchmark dans 3 types de pays !
Examinons d’abord ce qui fonctionne apparement bien dans d’autres systèmes de formation professionnelle. Dans des pays proches et aussi des pays plus lointains !
Les pays de la sphère germanique
Caractérisés par un poids encore conséquent de l’industrie à haute valeur ajoutée dans l’économie, ils disposent pour cela d’une main d’œuvre hautement qualifiée professionnellement et assez nombreuse (le manque de personnel commence néanmoins à y devenir préoccupant, pour des raisons démographiques).
De ce monde industrieux germanique, nous pourrions relever la coopération entre les employeurs et le système éducatif et de formation. Les états et régions encouragent, les systèmes nationaux de certification suivent et reconnaissent !
Les 4 pays scandinaves (hors Islande)
Leurs économies, plus tertiarisées, ressemblent davantage à celle de la France.
Ces pays cumulent haut niveau de protection sociale (prélèvements obligatoires élevés, comme en France), haut niveau de performance économique et haut niveau éducatif et de qualification.
Nous pourrions retenir qu’ils mobilisent d’importantes ressources (comme nous) mais laissent en revanche à leurs citoyens, entreprises, opérateurs et acteurs de formation, des marges d’actions et d’initiatives en matière d’éducation et formation.
Les pouvoirs publics interviennent peu à la place des acteurs. Principe de subsidiarité, décentralisation, responsabilisation expliqueraient la performance de leurs systèmes éducatifs et de formation.
Taïwan, Corée du Sud, Singapour, Hong-Kong, etc.
Chez ces nouveaux « meilleurs de la classe” dans l’économie de la connaissance, les sociétés sont tournées vers la recherche-développement et l’innovation, y compris dans la manière de (se) former…Par exemple il n’y a pas de débat du type “faut-il former avec l’IA ?“. Ils le font déjà ! Et des chercheurs asiatiques en IA auraient déjà trouvé le moyen de se passer des prompts humains (dommage pour ceux qui pensaient faire commerce de leurs prompts…).
Points communs
Adapter la formation professionnelle aux besoins concrets et opérationnels des publics, mais aussi innover en formation professionnelle, semblent des points communs des pays évoqués.
9 pratiques inspirantes chez les autres ?
Pratique 1 : responsabiliser l’individu en formation ?
Ne pas parler uniquement de “droits” en formation (en France = CPF, congés VAE, etc.) parler aussi des responsabilités des individus en formation, dans leur carrière, etc. et de la nécessité de développer l’apprenance. Les employeurs prenant leur part en favorisant des organisations plus apprenantes
Pratique 2 : un système DUAL à la française ?
Une imbrication forte entre entreprises et monde de l’éducation-formation. Une possibilité, même à un “âge avancé”, de revenir dans le système DUAL et de progresser. Une valorisation, dés le jeune âge, des filières professionnelles : acquisition de niveaux de qualifications, diplômes et rémunération élevés !
Pratique 3 : une coopération profonde entre entreprises et opérateurs de formation & enseignants
Des professionnels d’entreprises intervenant dans la conception même des programmes de formation mais également dans la réalisation des formations, en écoles et centres de formation ainsi qu’en milieux professionnels.
Pratique 4 : une orientation renforcée vers l’employabilité
Des parcours visant à l’acquisition des compétences et qualifications directement utiles dans l’emploi réel. Cela n’empêche pas en parallèle les individus d’accéder à la reconnaissance académique.
Pratique 5 : reconnaître des compétences au delà des « diplômes » ?
Valoriser au même plan les qualifications et compétences obtenues et certifiées par la voie professionnelle (directement dans l’emploi, en entreprise, par la formation interne), que les diplômes, titres, certifications obtenus via la formation académique.
Un peu de promotion pour C-Campus en passant : nous sommes spécialisés dans le développement de la formation interne en entreprises. Si vous recherchez des solutions pour professionnaliser, outiller et animer les formateurs internes, tuteurs, accompagnateurs, référents AFEST, experts – concepteurs de formation, etc., nous avons tout ce qu’il faut : formations, accompagnements, solutions d’édition pédagogique et même des certifications ! Contactez-nous : formation@c-campus.fr
Pratique 6 : reconnaître la qualification – les certifications professionnelles ?
Mieux rémunérer (méritocratie) les personnels qualifiés et certifiés que leurs homologues non qualifiés et non certifiés. Cette “inégalité” de rémunération doit être compensée par l’équité de l’accès à la formation et à la certification.
Pratique 7 : davantage de souplesse et d’adaptabilité pour plus d’individualisation
Le parcours de formation et ses modalités (voir notre article sur la comodalité) s’adapte à l’individu et non l’inverse !
Pratique 8 : un partage de coûts, plus responsabilisant ?
Le financement de la formation est tripartite : état-employeur et l’apprenant lui-même financent les coûts de formation (quitte à créer un “abondement formation” pour les particuliers économiquement fragiles). Participer au financement de sa propre formation, responsabilise. C’est une des vertus du CPF (mais on ne va pas bien loin avec son crédit CPF…). Débourser (un peu) accroit aussi son niveau d’exigence quant à la qualité de la formation reçue et aux débouchés et bénéfices tangibles !
Pratique 9 : une certification de la qualité des formateurs ?
Au delà de la qualité “certifiée” des processus de formation (Qualiopi, en gros), le sujet de la qualification, de la professionnalisation et de la certification des formateurs eux-mêmes, au service de la qualité tout court !
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7 Conclusions provisoires…
- Notre système de formation français pâtit surtout d’une complexité et d’une dilution de moyens et responsabilités.
- Digitalisation, Afestisation, Approche Par Compétences pédagogies plus actives, professionnalisation et reconnaissance de la formation interne, etc. : notre système sait innover et évoluer dans ses pratiques formatives !
- Ne copions pas les autres pays. Inspirons-nous en pour améliorer notre propre système et corriger nos faiblesses, en tenant compte de notre contexte.
- Passer par la loi ne suffit plus pour moderniser la formation professionnelle. Par certains aspects, cela serait probablement même contreproductif et déresponsabilisant !
- Continuer à encourager, inciter, stimuler les acteurs de la formation (en France, toute grande impulsion part de l’état, c’est ainsi…, mais le faire en concertation et, mieux, via la négociation collective).
- Réorienter, réallouer en permanence (opérateurs et acteurs des compétences) moyens et ressources et laisser du champs (et des financements) aux initiatives de terrain en formation !
- Opérer la modernisation, au contact des réalités de bassins d’emplois et filières et des besoins réels et contextualisés des publics.