Les TPE-PME ont toujours été le parent pauvre de la formation en France. La taille est en effet le premier critère discriminant pour l’accès et l’investissement en formation. Les chiffres du Jaune Budgétaire sont éloquents en la matière. Les grandes entreprises (+ de 2000) investissent quasiment trois fois plus que les petites (10 à 19). L’écart est encore plus grand entre les + de 2000 et les <11 salariés qui ne font guère plus que les minima légaux et conventionnels soit environ 0,6 à 0,8% en moyenne de leur masse salariale.
La création des FAF dans les années 1970, puis des OPCA dans le milieu des années 1990 avait été réalisée dans le but de réduire ces inégalités. Les grandes entreprises devaient payer pour les petites. Mais rien n’y a fait. C’est peut-être même l’inverse qui s’est produit.
Le gouvernement conscient de ce problème a décidé de s’atteler à le résoudre. Deux évolutions majeures vont être engagées à travers le projet de loi “Avenir Professionnel”.
Des moyens supplémentaires…
Tout d’abord un système de fongibilité asymétrique des fonds de la formation va être mis en place. Si les intentions du gouvernement sont confirmées, une partie des fonds versées par les entreprises de 50 salariés et plus seront reversés aux entreprises de moins de 49 salariés. Ce montant pourrait ne pas être négligeable. On parle de 0,1% de la masse salariale, soit environ 440 millions d’euros. Jusqu’à présent les fonds co-financés au titre du plan de formation par les OPCA s’élevaient à 389 Millions d’euros pour les moins de 11 salariés et à 183 Millions d’euros pour les 11 à 49. Soit au total 572 Millions d’euros. La fongibilité asymétrique pourrait apporter une manne financière non négligeable. Il s’agira pour les OPCOM de bien l’utiliser.
… et surtout une nouvelle vision de la formation en entreprise…
Mais on le sait, le problème de la formation dans les TPE-PME n’est pas qu’une affaire de ressources budgétaires. Certaines Branches ne sont pas capables aujourd’hui de dépenser tous leurs fonds tant la demande en “formation classique”des TPE-PME reste faible. La deuxième évolution majeure du projet de loi pourrait permettre de surmonter cette difficulté.
En redéfinissant l’action de formation et en l’ouvrant à l’AFEST (Action de Formation En Situation de Travail) le gouvernement a peut-être trouvé la solution. L’AFEST, si elle est bien pensée (on attend le décret qui devrait sortir à l’automne pour en être totalement convaincu), est un puissant moyen pour enfin engager les TPE-PME en formation.
La problématique formation des TPE-PME est de pouvoir former en flux tendu aux nouvelles compétences attendues. Elles sont beaucoup plus impactées que les grandes entreprises des transformations métiers, du fait de la nature de leurs emplois. Mais elles ne peuvent pas “envoyer en formation” leurs salariés car cela désorganise trop fortement leurs flux de production. Pouvoir se former en situation de travail ou organiser le travail pour qu’il devienne formateur est probablement la meilleure des solutions.
Nous l’avons testé à travers les expériences FEST menées depuis deux ans par la DGEFP. La FEST à condition de l’encadrer, et ainsi de bien la distinguer de la formation sur le tas ou de la simple formation interne, se révèle comme un puissant moyen de développer les compétences au sein des TPE-PME :
- Adaptation des contenus de formation aux spécificités de l’entreprise et de son environnement
- Synchronisation de la réponse formation avec le besoin en compétences
- Pollinisation des compétences. L’AFEST permet de former des collectifs et ainsi de construire des compétences collectives et non pas seulement des compétences individuelles. Or TPE-PME, les compétences collectives sont encore plus déterminantes que dans les grandes entreprises.
- Faible coût de formation (pas de frais de déplacement et d’hébergement, possibilité d’éviter la formation inter-entreprise qui est malheureusement trop souvent la seule réponse possible pour les TPE-PME – les grandes entreprises optimisent leurs budgets Formation en développant la formation intra-entreprise).
… à condition de donner les moyens à l’AFEST de réussir
Notre conviction, établie à partir des expériences menées notamment dans des TPE-PME, est que l’AFEST ne pourra répondre au besoin que si elle est encadrée de l’extérieur pour les petites et moyennes entreprises. Dans les grandes entreprises, des référents AFEST sont mis en place. Ils viennent épauler le service formation. Dans les TPE-PME, il est difficile de trouver l’équivalent. Le référent AFEST sera probablement un acteur externe à l’entreprise. Le choix de ces référents AFEST sera déterminant. Il devra être à la fois expert du métier et expert de la pédagogie et de l’accompagnement.
Le débat à l’Assemblée Nationale est allé dans ce sens. Un amendement vise à inciter les futurs OPCOM à accompagner le déploiement de l’AFEST. Grâce aux fonds de la fongibilité asymétrique vus plus haut, ils pourront co-financer des interventions de référents AFEST sur le modèle des Diagnostics RH actuels.
Les TPE-PME pourraient ainsi se réconcilier avec la formation. Leurs salariés ne partiront plus en formation, mais la formation viendra à eux. La clé de cette nouvelle approche résidera évidemment dans la qualité des référents AFEST. Ils devront bien entendu être formés et habilités pour réaliser ces diagnostics afin d’apporter une réelle valeur ajoutée aux TPE-PME.