Les générations X-Y forment-elles correctement la Z ?

La génération Z, autrement dit selon le sens commun, les personnes grosso modo nées entre la toute fin des années 90 et 2010, commence à “débouler” dans les entreprises. Ce sont par exemple les jeunes en stages ou en apprentissage, qui en ce moment entament (ou selon leur âge, achèvent) leurs parcours en alternance.

Le moins qu’on puisse dire est que cette génération fait beaucoup parler d’elle, cela depuis au moins 20 ans (Ce qui est étonnant car la plupart de ses représentants étaient encore en maternelle au début des années 2000…).

Encore minoritaires à date dans les effectifs des entreprises, les représentants de la génération “Z” vont progressivement prendre une place prépondérante sur le marché du travail !

Le nouveau “marronnier RH” des années 2020 ?

Désormais la génération Z fait même l’objet de publications régulières pour les professionnels RH & Formation (et même pour le grand public), qu’on pourrait donc qualifier de “marronniers RH”, comme on dit chez les journalistes ! Les “marronniers” ce sont ces sujets de presse qui reviennent chaque automne, à l’époque des marrons… Par exemple “le classement des villes où il fait bon vivre” ou “le palmarès des foires aux vins” et dorénavant “ces recruteurs qui courtisent la “Z Generation”…

Nous ouvrons aujourd’hui ce sujet, sous l’angle spécifique du tutorat en entreprises. En effet nous sommes de plus en plus questionnés par nos clients L&D et aussi par nos participants en formation de tuteurs-tutrices, sur cette fameuse “génération Z”  (qui n’a rien à voir avec les Zombies surgissant de nulle part, ni avec le film de Constantin Costa-Gavras !).

Comment réagissent leurs “ainés” ?

Les responsables hiérarchiques, ainsi que leurs tutrices et tuteurs des générations précédentes (les “X” comme moi et même les plus jeunes des “Y”, comme mes enfants) sont à la fois assez charmés par ce “sang nouveau qui irrigue l’entreprise”. Et aussi parfois décontenancés : par certaines attitudes chez des “Z”, ou par leur rapport au travail “différent”  (d’après leurs propres dires).

Voici les questions que généralement, les générations antérieures se posent au sujet des “Z” : 

• Quels sont les comportements en formation de cette génération ?
• Quelles sont les attentes de ces jeunes pour leur formation pratique en entreprise ?
• Comment aiment-ils apprendre un job – à l’inverse, qu’est ce qui peut les dérouter ?
• Que peut-on leur proposer en tant que tuteurs-tutrices pour qu’ils apprennent au mieux, y compris de leurs collègues des générations précédentes ?”

Voyons donc ce qu’il en est mais restons mesurés : il y a des “invariants” qui pourraient traverser les générations et les époques ! 

“L’éducation de la jeunesse doit être gouvernée par deux maximes principales : la première, on doit tout faire pour donner aux jeunes l’amour de la vertu ; et la seconde, on doit les amener à acquérir une intelligence prompte et bien exercée” disait Platon, dans “Les Lois” (environ 360 av. J.-C.)

Cinq comportements des “Z” en formation…

Petite précaution avant d’expliquer comment nos “Z” fonctionnent en formation : les comportements que nous allons passer en revue, les concernent au premier chef. Cela ne signifie pas que les autres générations présentes dans les entreprises (Y, X et les derniers Boomers encore en activité salariée) sont incapables d’apprendre comme le font les “Z”. En fait cela sera peut-être moins naturel au début pour eux ou cela leur demandera un petit d’effort d’adaptation.

1. Une évidence : ces jeunes ont grandi au tournant des années 2000, celles de l’explosion des technologies numériques de l’information. Ils apprennent en ligne, en réseau et avec des supports & applications numériques ! Comme le faisaient les générations antérieures, certains apprennent encore avec des livres, des manuels et des cahiers, mais cela peut leur demander un effort !
2. A cause de leur exposition permanente aux écrans et à de multiples sollicitations “numériques”, il semble que leur temps maximal d’attention et de concentration diminue régulièrement (ce serait aussi le cas de toute personne passant par exemple plusieurs heures par jour sur son smartphone, indépendamment de son âge, ).  Le philosophe et académicien Michel Serres l’avait repéré dans son court essai “Petite Poucette”.
   Ils apprécient les séquences formatives courtes, concrètes, interactives, quitte à en vivre plusieurs successivement…
3. Ils reçoivent et traitent de l’information via des sources très diverses :  plusieurs réseaux sociaux, des vidéos, des podcasts, des applications de messagerie instantanée, de partage, des communautés, y compris autour de jeux, etc.
   Ils sont évidemment multimodaux !
4. Ils aiment “résonner” et “raisonner” en communautés et aussi apprendre en petits groupes, en se retrouvant IRL (In Real Life), comme on dit en Globish !
5. L’équivalent des milliers de bibliothèques et contenus accessibles instantanément via internet, leur donne le sentiment que tout savoir est à portée de quelques clics (ou doigts) sur une interface numérique.
   Ce pseudo “omni-savoir” les conduit à adopter des comportements assez autonomes et auto-dirigés dans leurs apprentissages et débuts de parcours en entreprises…

Selon le professeur de psychologie du développement, Olivier Houdé, la génération des jeux vidéo et du téléphone portable aurait d’ailleurs gagné des aptitudes cérébrales : vitesse et automatismes. Parfois au détriment de la prise de recul et de la résistance à certaines routines… Il faudrait selon lui, apprendre à nos jeunes (et aussi aux adultes) à “résister” à la déraison et à pratiquer ce qu’il appelle “l’inhibition cognitive”. C’est à dire la capacité à prendre un moment pour réfléchir, avant d’agir, plutôt que de céder à des impulsions ! (Olivier Houdé a écrit notamment comme ouvrage : Apprendre à résister).

Vous souhaitez que vos tuteurs et maîtres d’apprentissages apprennent à tutorer des Z ? Allez… un peu de publicité pour C-Campus : nous pouvons vous en occuper en inter comme en intra-entreprise : formation@c-campus.fr

Cinq attentes particulières en formation pratique !

En ce qui concerne leurs attentes vis à vis des formateurs terrain, tuteurs et autres “parrains”, là aussi quelques points communs, 5 à grands traits, semblent se dégager chez les “Z”. Ils sont corroborés par les “sondages” que nous menons chez C-Campus depuis quelques années, auprès d’apprentis et alternants :

1. Un besoin d’apprentissage personnalisé, qu’on s’intéresse à eux, à comment ils aiment apprendre, à ce qui les motive, qu’on les découvre, qu’on leur donne aussi leur chance, probablement…
2. Des retours rapides et réguliers, savoir se situer, ce qu’ils / elles valent, ce qui est attendu concrètement …
3. Des apports pratiques et directement utilisables : confrontés aux affres du chômage toujours possible pour ceux qui ne possèdent pas un haut “capital social” (pas nés et éduqués au bon endroit et dans les “bonnes familles”), aux risques de l’emploi déclassé, mal considéré, ces jeunes sont en fait assez pragmatiques : ils veulent apprendre du savoir-faire et savoir-être utile et “vendable” !
   Attention, le corolaire est que leurs tuteurs devront être compétents. Ce qu’on appelle l’autorité de fait (“je suis ton chef”, “je suis là depuis longtemps”…) fonctionne moins bien que l’autorité née de la compétence. “Galons”, ancienneté et niveau hiérarchique les impressionnent bien moins que la “capacité à bien faire” de leurs tuteurs et collègues ! 
4. La possibilité d’apprendre en avançant…, par expériences, par jeu, par essai, en recommençant et faisant des erreurs, au travers de plusieurs “vies professionnelles dans un même cursus”, un peu comme dans des jeux vidéos ou des jeux de rôles !
5. Et en collaborant ! Que ce soit avec leurs camarades de promotion, leurs homologues en entreprises et bien sûr avec leurs tuteurs et équipes : sentiment d’être utile à une cause commune, d’avoir sa part, sa contribution à une aventure collective, d’avancer ensemble, en équipe…

Si l’on avait interrogé des jeunes des “classes démographiques creuses” des années 1920 à 1930, peut-être que leurs attentes vis à vis de leurs ainés eussent été, au fond, assez similaires à celles de nos jeunes du 21ème siècle…Cette génération Z a besoin de trouver son sens et sa place au travail, dans ce pays vieillissant qu’est la France !

La réponse est forcément multi-modale côté entreprise !

Les employeurs ont globalement compris le message.

Dans les grandes entreprises, tout s’aligne…

La multimodalité, voire la co-modalité s’installe : présentiel, distanciel, AFEST, programme de mentorat, digital learning, co-dév, apprentissage collaboratif, immersive learning, etc., sont en train de s’installer dans les pratiques formatives des entreprises.

Dans l’univers des PME et TPE, un peu moins…

Les moyens et possibilités de varier les apprentissages ne sont pas forcément là : ce seront aux CFA, centres de formation et autres “écoles supérieures” de porter la multimodalité ! C’est d’ailleurs déjà le cas dans bon nombre de parcours par alternance !

Cet article vous intéresse ? Pensez à vous abonner à notre newsletter : comme plus de 7.000 professionnels et acteurs de la formation, vous recevrez automatiquement un nouvel article tous les lundis matin ! Parlez-en également à vos confrères, consoeurs et à des pair(e)s : la newsletter est gratuite et ils accèderont à plus de 700 articles, en prime !

Leurs tuteurs vont miser sur 3 facteurs de succès et 10 points de vigilance

Primo : une communication franche, directe et explicite

1. Co-élaborer avec les jeunes leur “feuille de route” pour leur parcours de formation ou d’intégration dans l’entreprise,
2. Donner des objectifs clairs, une ligne directrice mais avec des possibilités de discussion régulière du “quoi” et surtout du “comment” !
3. Pouvoir bénéficier d’entretiens de suivi courts mais réguliers avec leurs tuteurs. La contrepartie étant que lorsqu’on a un moment creux au travail, on n’est pas en permanence sur son smartphone, on réfléchit, on se pose des questions, on se renseigne auprès de collègues…
4. Avoir des temps de feed-back et un retour objectif et argumenté sur leurs compétences et leur travail.

Secundo : autonomie, marges de manoeuvre, droit à l’essai et à l’erreur

1. Proposer évidemment une pédagogie de type AFEST ainsi que des missions apprenantes, en insistant sur le développement de la réflexivité (pour “résister à la déraison” du Professeur Houdé)
2. Pouvoir oeuvrer dans et pour le collectif : mission transverse, réaliser une veille d’équipe, social learning etc.,
3. Pratiquer de temps en temps le reverse mentoring : le/la jeune forme aussi “l’ancien” !

Tertio : pouvoir créer, proposer, innover, s’émanciper d’un “modèle”

1. Pouvoir réaliser son “chef d’oeuvre”, sa réalisation personnelle, apporter sa “patte”, faire différemment du tuteur, 
2. Pouvoir aussi s’auto-former de manière libre et autonome (mais sur des sources fiables),
3. Avoir plusieurs tuteurs et modèles professionnels et pratiquer des activités variées durant son apprentissage.

Finalement, ces jeunes “Z” ne sont pas si différents de nous (les moins jeunes ou les anciens jeunes) : ils apprennent différemment (peut-être) mais ils veulent apprendre, ils savent apprendre et ils peuvent apprendre. A nous, leurs “anciens”, de leur en donner les moyens et surtout de cultiver leur engagement en formation ainsi que le goût du travail bien fait !