L’analyse réflexive est une approche pédagogique reconnue aujourd’hui comme incontournable en AFEST. Mais pas seulement. Elle est aussi très efficace en formation classique, pour décupler l’efficacité des processus d’apprentissage autour des “mises en situation” (jeux de rôles, ateliers sur plateaux techniques, réalité virtuelle, etc.) et des expériences vécues par les apprenants (travaux d’intersession, analyse de pratique, co-développement, etc.).
Si vous découvrez l’analyse réflexive consultez notre article de synthèse – concepts pédagogiques #17 – L’analyse réflexive.
Dans un article précédent, nous vous avons présenté le questionnement réflexif post action avec la méthode F.A.S.T.®. En complément, nous vous proposons dans cet article un second outil d’analyse réflexive : le questionnement R.I.E.C. Ce second type de questionnement est à utiliser en amont de la mise en situation de travail, réelle ou simulée.
Pourquoi faire de l’analyse réflexive ante action
L’utilisation des techniques réflexives est bien connue et très courante post-action.
- En formation classique, on les utilise pour débriefer un exercice ou un jeu de rôle
- En formation terrain, on les pratique en AFEST pour tirer les leçons de l’expérience vécue.
- En VAE, c’est un outil incontournable pour faire verbaliser ses compétences à un candidat, en vue de les faire valider.
- En analyse de pratique, elles servent aux apprenants à capitaliser sur leurs expériences et à formaliser leurs connaissances.
- En management, les managers peuvent les utiliser comme techniques de feed-back pour aider leurs collaborateurs à progresser.
La pratique de l’analyse réflexive ante action, c’est-à-dire avant de passer à la mise en situation réelle ou simulée, est quant à elle moins courante. Pour autant, elle n’en est pas moins pertinente. S’interroger sur comment on va s’y prendre avant de “se jeter à l’eau” (de réaliser la tâche réelle ou virtuelle que l’on a à faire), c’est un excellent moyen pour tirer le meilleur profit de la situation de travail que l’on va devoir gérer.
Mais pour y parvenir, encore faut-il se poser les bonnes questions. D’où le questionnement R.I.E.C.® que nous proposons dans nos formations de tuteurs et aussi des référents et accompagnateurs AFEST.
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Les 4 questions incontournables avant de passer à l’action
Avant d’agir, il est essentiel d’avoir une idée claire de ce qui va se passer. C’est d’ailleurs toute la différence entre un professionnel et un débutant-néophyte. Le professionnel, grâce à son expérience, s’engage dans l’action avec une vision relativement claire de ce qui va se passer. Ce qui lui permet de réagir au plus vite et au mieux, en fonction des aléas qu’il rencontre dans l’action. A l’inverse le débutant, découvre la tâche qu’il a à produire, en la réalisant. Ses capacités d’anticipation et de réaction sont ainsi amoindries.
Pour compenser cette différence liée à l’expérience accumulée, le débutant va avoir besoin, davantage encore que le professionnel, de prendre du recul avant de passer à l’action et de réfléchir à ce qui va/peut se jouer dans la situation de travail.
A partir des apports de la didactique professionnelle et plus largement des études sur le développement des compétences, nous avons bâti un questionnement en 4 grandes catégories de questions. Ces questions, toute personne en situation d’agir peut se les poser avant de passer à l’action : pour être plus efficace et donc mieux apprendre dans l’action. Un accompagnateur (tuteur, mentor, accompagnateur AFEST, formateur, manager…) peut également les lui poser, pour l’aider à verbaliser la représentation qu’il a de la situation de travail qu’il s’attend à vivre. Et ainsi mieux la gérer.
R pour Résultat
Les premières questions à se poser sont en lien avec le résultat à obtenir au cours de la situation. Par exemple :
- « Quel est le résultat que je cherche à atteindre ? Quel est le produit fini, si c’est une production ? Quel est le service attendu, si c’est une prestation de service ? »
Cette visualisation du résultat doit être la plus précise possible. C’est ce qui donne du sens à son travail. La question peut paraître anodine : si j’apprends à monter un mur, c’est la vision du mur fini ou si j’apprends à manipuler un logiciel, c’est l’ensemble des données enregistrées et prêtes à être utilisées, à la fin de mon action. En fait, le questionnement sur le résultat, c’est beaucoup plus que cela, c’est ce qui donne de la valeur à sa mission. C’est à la fois la qualité du mur monté, qui peut s’exprimer de différentes manières mais aussi le temps que je vais y consacrer, l’économie de moyens ou de matières que je vais employer, etc.
S’interroger soi-même en tant qu’apprenant ou interroger un apprenant en tant qu’accompagnateur sur le résultat final, c’est s’assurer que j’ai ou qu’il a compris sa tâche et qu’il saura arbitrer entre des objectifs contradictoires au mieux dans l’action (par exemple pour un mur : la conformité aux côtes, la qualité de son aspect, la solidité dans le temps, la durée du séchage, etc).
I pour Indicateurs ou Indices
Avoir une vision claire de ce à quoi je dois aboutir, c’est essentiel mais pas suffisant pour bien réfléchir. Pour être capable de bien m’autoréguler dans l’action, je dois à chaque étape savoir si je suis sur la bonne voie. Pour cela, je dois m’interroger sur les indices ou indicateurs qui me font dire que je progresse correctement dans l’action. Ce qui me permettra in fine d’atteindre le résultat attendu.
Les questions à se poser sont alors, par exemple :
- « Quels sont les indices ou indicateurs à observer dans l’action ? Quels sont les points de vigilance ? A quoi je dois faire plus particulièrement attention en réalisant ma tâche ? Quels signaux faibles dois-je prendre en compte ? Etc.
Ces indices ou indicateurs doivent être très précis et concrets. Par exemple pour un commercial, on attendra qu’il nous décrive la qualité de la relation qu’il entend établir dès le début de son contact, le type d’informations qu’il souhaite obtenir lors de sa découverte, ou encore les types d’engagements concrets qu’il compte recueillir de la part de son client, lors de la conclusion.
Grâce à ces indices, le commercial saura dans l’action, si le climat relationnel est bien établi ou s’il doit porter son attention dans ce domaine, s’il a suffisamment découvert le besoin de son client ou s’il doit continuer à creuser, avant de passer à l’étape de présentation de l’offre.
E pour Étapes
La troisième catégorie de questions est évidente et généralement la mieux apréhendée. Elle concerne les étapes par lesquelles l’apprenant devra passer pour réaliser la tâche.
- La question la plus classique est : « Quelles sont les étapes par lesquelles tu comptes passer, pour traiter la situation de travail qui se présente à toi ? »
- ou du même genre : « Décris-moi le mode opératoire que tu vas suivre ? »
- ou de façon plus imagée : « Si tu te fais le film dans ta tête, quelle est la situation que tu comptes trouver, peux-tu me l’a décrire… Et tu vas démarrer par quoi et ensuite tu dérouleras ta tâche comment… ? »
Là aussi, la précision est déterminante. Plus l’apprenant sera capable de verbaliser de façon détaillée le déroulé de la situation, plus il aura compris sa tâche et plus il saura anticiper et s’autoréguler dans l’action.
A noter : les questions liées aux Étapes et aux Indices sont intimement liées. Lorsque la tâche à apprendre est complexe, il est courant de trouver pour chaque étape des indices particuliers. C’est pourquoi, dans la mise en œuvre du questionnement, il nous arrive d’inverser Étapes et Indices. On demande d’abord à l’apprenant de retrouver les étapes puis on l’invite pour chacune d’elles à indiquer les indices. On ne fait plus alors un questionnement R.I.E.C. mais un questionnement R.E.I.C. Le résultat au final est le même.
C pour Coopération
Guy Le Boterf, internationalement reconnu dans le développement des compétences, dit en substance : « Un professionnel compétent est une personne capable d’agir en situation, en combinant des ressources personnelles mais également externes » – cliquez ici.
Autrement dit on n’est jamais compétent seul, être compétent c’est savoir coopérer. Reprenant à notre compte ce principe, nous avons intégré une quatrième composante à notre modèle de questionnement ante action.
Les questions à se poser en tant qu’apprenant ou à poser comme accompagnateur sont doubles :
- Coopération entrante (au bénéfice de l’apprenant) « Qui peut t’aider (personnes ressources) ou qu’est-ce qui peut t’aider (bases de connaissances, outils méthodologiques) pour réussir ta tâche ? Qui dois-tu ou peux-tu mobiliser ? »
- Coopération sortante (au bénéfice de son environnement) « A qui ou à quoi dois-tu penser dans l’action pour faciliter le travail des personnes qui passeront après toi ? » ou, plus précisément : « Quelles consignes dois-tu transmettre à tes collègues pour qu’ils puissent réaliser correctement leur travail après toi ? Quelles données dois-tu enregistrer ? ».
Quelques cas d’usage du Questionnement R.I.E.C
Le questionnement R.I.E.C® est une technique parmi d’autres, pour favoriser l’analyse réflexive de toute personne qui cherche à développer ses compétences par l’expérience. A ce titre, elle peut être utilisée dans de nombreuses situations d’apprentissage.
Le R.I.E.C en AFEST
Nous utilisons le questionnement R.I.E.C en amont de chaque mise en situation professionnelle. L’accompagnateur AFEST questionne l’apprenant et s’assure ainsi qu’il sera en mesure de réaliser la tâche correctement ou, à tout le moins, qu’il le fera sans prendre trop de risques.
Le questionnement R.I.E.C. est ainsi la technique miroir du questionnement F.A.S.T.®, que l’accompagnateur utilise post action. D’expérience, le questionnement R.I.E.C accroît aussi considérablement l’efficacité de l’analyse réflexive post action F.A.S.T.. L’un ne va pas sans l’autre.
Le R.I.E.C. en digital learning
L’AFPA, dans un grand projet de formation certifiant d’ASMS pour Domus VI combinant digital learning et AFEST, a développé un ensemble de modules en digital learning articulés autour de notre méthode de questionnement R.I.E.C.® Ces modules sont utilisés en amont de l’AFEST pour acquérir les connaissances fondamentales. Déjà structurés autour du questionnement R.I.E.C. ils permettent de mieux articuler connaissance méthodologique et connaissance pratique.
Le R.I.E.C. en formation formelle
Après l’apport de contenu et l’acquisition de nouvelles connaissances, il est indispensable de préparer les personnes participant à une formation en présentiel ou à distance; à transférer leurs acquis en situation de travail. Le questionnement R.I.E.C. peut être utilisé alors comme un exercice de réflexivité, en vue d’améliorer l’efficacité du transfert pédagogique. Il suffit d’inviter les apprenants à choisir une action concrète à réaliser post formation et à préparer la mise en oeuvre de cette action grâce au questionnement R.I.E.C.
Le R.I.E.C. en “formation terrain” ou en accompagnement managérial
Les managers ou les tuteurs confient régulièrement des tâches ou missions apprenantes à leurs collaborateurs ou leurs tutorés. Lorsqu’ils le font rapidement, ils leur présentent succinctement la tâche et l’objectif qu’ils doivent atteindre. Puis, ils leur demandent s’ils ont compris et s’ils sont ok pour la réaliser. On en conviendra, ceci est vraiment peu “apprenant-formateur”. A l’inverse, si les managers-tuteurs prennent 5 à 10’ de leur temps pour questionner leur collaborateur (ou tutoré) avec le questionnement R.I.E.C., ces derniers auront le temps de s’approprier leur mission. Et de surcroît, les managers et tuteurs prendront moins de risque, car ils sauront s’ils le tutoré ou le collaborateur a bien compris sa tâche et s’il s’en sortira !
Le R.I.E.C.® pour évaluer la compétence dans une approche APC (Approche par compétence)
A l’ère de l’IA Générative, où il est de plus en plus difficile d’évaluer des étudiants et des adultes candidats à une certification, le questionnement R.I.E.C. peut se présenter comme une alternative. L’épreuve d’évaluation porte alors sur la capacité réflexive de l’apprenant. Grâce au questionnement R.I.E.C., le jury peut évaluer la capacité du candidat à se projeter dans le métier comme un professionnel compétent.
Le R.I.E.C.® pour formaliser l’expertise, dans le cadre d’un projet de transmission des compétences
Le savoir-faire d’une entreprise est un de ses principaux “assets“. Mais encore faut-il que ce savoir-faire soit formalisé et ainsi accessible par tous. Le questionnement R.I.E.C. peut être utilisé par des consultants internes pour aider les experts et meilleurs professionnels de l’entreprise à dire leur expertise. En appliquant le questionnement R.I.E.C. à chaque “situation de travail emblématique” de l’entreprise, une véritable “base de connaissances” agrégeant les savoir-faire distinctifs de l’entreprise, peut être ainsi capitalisée.