Ahmed Kabèche, Directeur formation technique d’Orange conduit actuellement avec ses équipes une transformation profonde de sa Direction. Son projet Learn@Work est très proche de notre vision de l’évolution des fonctions L&D que nous vous décrivions ici il y a quelques semaines. Mais cette fois-ci, ce n’est pas qu’une approche théorique, c’est une réalité en devenir !
Ahmed Kabèche, pouvez-vous nous présenter la Direction de la formation technique d’Orange
Chez Orange, la Direction de la formation technique s’incarne à travers l’EMT, l’École des Métiers Techniques. C’est la plus grande école interne d’Orange. Elle produit 350.000 heures de formation par an pour les 22.000 salariés de la DT et DSI (Direction Technique & Direction du Système d’Information). 70% est réalisée en interne grâce à 350 salariés L&D (répartis entre le « central » et les unités opérationnelles).
Vous avez lancé en fin d’année dernière le projet Learn@Work, de quoi s’agit-il ?
Learn@Work est le nom de notre projet de transformation de la fonction formation. Vous dites que nous l’avons lancé en fin d’année dernière, et c’est vrai. Mais il s’inscrit dans une évolution de nos pratiques et de notre organisation de la formation qui a démarré dès 2019.
A cette époque, nous avons acquis la conviction que nous produisions beaucoup d’heures de formation, mais que les résultats en termes de compétences n’étaient peut-être pas ceux que l’on attendait. Et pour s’en convaincre, il suffisait de voir que nous étions malheureusement tombés dans le piège du modèle 70 :20 :10 . Nous consacrions 90% de nos efforts à produire ce qui ne représente « seulement » que 10% des apprentissages, c’est-à-dire par la formation formelle, en salle ou à distance. Et l’énergie qui nous restait n’était que trop peu orientées sur les 90% des apprentissages au travail (NDLR : selon l’étude de Lombardo et Eichinger 70% des apprentissages proviendraient de challenges individuels,20% d’échanges ou relations avec des pairs et 10% seulement de la formation formelle).
Fort de ce constat, nous nous sommes lancés dans l’AFEST. Grâce à l’équipe C-Campus, nous avons formé et certifié nos premiers Référents AFEST, puis nous avons réalisé un premier P.O.C (Proof Of Concept) d’AFEST et déployé à plus grande échelle au cours des années 2021 / 2022. Là, nous avons fait un retour d’expériences et nous avons constaté que l’AFEST était un vrai plus pour rapprocher la formation du terrain mais qu’il fallait industrialiser sa gestion administrative, pour passer à une autre dimension. A partir de 2023, nous avons pu rendre interopérable une application informatique du marché dédiée à l’AFEST et notre LMS et ainsi démultiplier le nombre d’AFEST. Nous sommes ainsi passé de 1 lancement d’AFEST par jour en moyenne au sein de la DTSI en 2022, à 9 lancements actuellement.
Vous êtes arrivés comme d’autres de nos clients – Société Générale ou DomusVi – à “passer l’AFEST à l’échelle” : le projet Learn@Work n’est-il qu’une simple industrialisation de l’AFEST ?
C’est bien plus que cela ! Le projet Learn@Work est un projet de transformation globale de la fonction L&D, centrée sur le développement des compétences et non plus seulement sur la formation. Il repose sur trois convictions :
- Le développement des compétences doit se faire au plus proche du travail. L’AFEST en est un excellent moyen, mais elle n’est pas la seule modalité : nous utilisons aussi des parcours d’on boarding, le compagnonnage, l’alternance, la VAE inversée, etc. Nous sommes convaincus que toutes ces modalités combinées, sont les meilleures réponses aux besoins exponentiels de développement des compétences.
- Le développement des compétences passe aussi par le transfert de savoirs entre pairs. Au-delà des approches pédagogiques que je viens de citer, c’est la création de véritables communautés de métiers qui permet le développement des compétences au quotidien. Tout au long du cycle de vie professionnelle, un collaborateur d’Orange doit recevoir et aussi redonner des connaissances, de l’expertise. Travailler chez Orange, c’est bénéficier chaque jour potentiellement de dizaines de milliers de collègues-sachants et réciproquement aider des collègues-moins-sachants, qui me sollicitent.
- Le développement des compétences, ce n’est plus gérer des métiers et former pour chaque métier spécifiquement, mais c’est gérer par les compétences. C’est sortir des silos par métiers, pour créer des passerelles grâce aux compétences communes entre les métiers.
Ces trois convictions sont les trois piliers du projet Learn@Work. L’AFEST est une modalité qui pousse opérationnellement ce modèle, mais ce n’est au fond qu’une modalité. La finalité du projet Learn@work va plus loin : c’est former à partir des situations de travail et en exploiter tous les gisements ou potentiels d’apprentissage.
D’une certaine manière, on peut dire que l’AFEST a été le cheval de Troie pour sortir la formation des salles de formation ! Mais aujourd’hui le projet Learn@Work la dépasse.
Quels sont les premiers résultats du projet Learn@Work
J’ai le sentiment qu’on est passé d’une logique de formations à une logique de compétences. Hier, on produisait des actions de formation, en salle ou à distance. A chaque fois qu’un nouveau besoin métier apparaissait, on concevait une formation dédiée. Notre catalogue ne cessait de croître. Et plus grave encore, on n’arrivait pas à faire le lien avec les compétences.
Aujourd’hui, on bâtit des parcours d’AFEST, d’On boarding, d’alternance, etc. pour des besoins en compétences. Chaque parcours permet d’évaluer l’acquisition de compétences. Les offres de parcours ne sont pas propres à un métier mais à une compétence. Cela permet de fluidifier l’accompagnement professionnel des collaborateurs.
Vous souhaitez vous former à l’AFEST ? Découvrir notre offre certifiante “Devenir Référent AFEST“, et inscrivez-vous à l’une de nos sessions mensuelles : formation@c-campus.fr.
Nos formateurs internes sont mieux armés pour déployer la montée en compétence. Ils sont plus nombreux. A termes nous pourrions faire le rêve qu’il y aura autant de formateurs terrain (Accompagnateurs) qu’il y a de collaborateurs. Aujourd’hui, nous avons une force de 100 Référents AFEST et 450 Accompagnateurs AFEST. Mais l’accompagnement au développement des compétences s’ouvre progressivement à tous. Nous avons besoin de Référents AFEST pour imaginer des ingénieries sophistiquées de développement de compétences au travail. Mais des managers ou des techniciens compétents peuvent aussi, de façon simple et rapide, partager leurs expertises et aider leurs collègues à développer leurs compétences.
Le projet Learn@Work a-t-il eu un impact sur les missions des formateurs internes ?
C’est évident, les missions des formateurs et formatrices internes ont évolué et continueront encore d’évoluer. Former en salle ou à distance, des groupes de 6 à 12 personnes pendant un ou plusieurs jours, c’est très différent d’accompagner en situation de travail des collègues pour les faire monter en compétences. Mais les deux ne s’opposent pas, ils se complètent. Quand vous êtes pédagogue, ce sont les modalités et les techniques qui changent, pas la posture.
Quand vous êtes simplement un expert ou un manager et que vous n’avez jamais pratiqué la formation, c’est plus compliqué. Mais si vous êtes bien accompagné et bien formé, vous pouvez acquérir à la fois les techniques et la posture d’accompagnateur des apprentissages en situation de travail. C’est pour cela que nous avons mis en place une formation à l’accompagnement d’AFEST très agile. Et surtout créé et animé la communauté des acteurs du Learning, au sein de la direction technique. C’est cette communauté qui sera la clé de la réussite demain.
Et pour terminer quelles sont vos futurs projets ?
Avec le projet Learn@Work, nous avons une ossature globale. Elle nous a permis de clarifier, chemin faisant, les rôles et responsabilités de chacun dans le dispositif, jusqu’au niveau de l’apprenant qui lui aussi doit changer son rapport à la formation. Il doit devenir acteur de sa formation. Bien choisir ses parcours, mobiliser ses collègues et accompagnateurs AFEST pour apprendre, dans le but de progresser tout au long de son parcours professionnel.
Nous avons encore de nombreux détails à fignoler pour parvenir à une « direction technique apprenante ». Mais avec le projet Learn@Work nous sommes sur la bonne voie et nous avons les moyens de nos ambitions !