Jusqu’à un passé récent, la valeur d’usage de la formation résidait essentiellement dans l’accroissement de compétence. Pour l’entreprise, ce « plus » de compétence était synonyme d’efficacité et par conséquent de compétitivité. Pour le salarié, c’était davantage d’aisance dans son travail, c’est-à-dire moins de stress et de difficultés professionnelles.
Rarement cela se traduisait par un accroissement de qualification, et par conséquent en davantage de promotion et de rémunération. Dans un marché du travail dominé par le CDI, la formation se monnayait faiblement. L’entreprise prenait en charge directement, ou indirectement via son OPCA, les coûts de formation, mais elle voulait conserver la maîtrise de sa politique de promotion et de rémunération.
« Oui, mais ça, c’était avant ! » comme dit la publicité. Deux transformations profondes sont en train de faire évoluer la valeur d’usage de la formation. D’un simple « plus » de compétences et de performances, elle va devenir le sésame pour exercer son activité, que l’on se situe à la place du salarié comme de l’entreprise.
Fin du salariat stable et besoin accru de lisibilité des compétences
Aux Etats-Unis, en 2020, un professionnel sur deux sera non salarié selon une étude commandité par la Freelancers Union.
Les Echos – quel statut pour le travailleur 2.0 ? – cliquez ici.
En France, les auto entrepreneurs sont déjà près d’un million, le travail non salarié est en constante augmentation depuis le début des années 2000 qui a marqué une inversion de tendance. L’emploi intérimaire s’élève à + de 600.000. Le CDD représente 86% des embauches de salariés. L’Ubérisation n’est que l’arbre qui cache la forêt de la remise en cause du modèle unique de contractualisation qu’est le CDI.
Les Echos – Le nombre d’auto entrepreneurs proche de la barre du million – cliquez ici.
Insee – Part des non salariés dans l’emploi total – cliquez ici.
JDN – Intérim en France – Cliquez ici.
Le Parisien – Record historique des embauches en CDD – cliquez ici.
Qu’on le déplore ou qu’on cherche à accélérer la tendance, le phénomène existe et ne fera que s’amplifier. Le propos n’est pas ici de prendre position, mais d’en constater les effets sur la formation.
Lorsqu’une personne n’a plus de garantie de l’emploi, lorsqu’elle doit faire la preuve de ses compétences, chaque fois qu’on lui confie une mission (une course en taxi, comme une pige de journaliste ou la prise en charge d’un développement pour un informaticien), elle a besoin de certification, d’habilitation, d’accréditation… Ce qu’elle recherche alors à travers une formation, ce n’est plus seulement acquérir des connaissances ou des compétences pour mieux exercer son « job », mais c’est aussi et surtout une attestation de ses compétences. La valeur d’usage de la formation devient alors la validation des compétences et non plus leur simple développement.
Demain, sans certificat attestant de la validité de ses compétences, on aura de plus en plus de mal à pénétrer le marché du travail. Les plateformes les exigeront pour démarrer une activité (avant qu’elles-mêmes les valident via leurs systèmes de notation pour pouvoir vous laisser poursuivre votre activité). Les entreprises en feront un premier critère de sélection en utilisant les plateformes de recrutement tels que Linkedin ou Viadeo, car elles devront elles-mêmes faire la preuve qu’elles emploient des professionnels qualifiés.
De l’entreprise labellisée au salarié qualifié
L’exigence de qualification ou de certification a toujours existé. Elle est née dans les métiers à risque. Pour piloter un avion, vous devez posséder une QT ou Qualification de type. Pour conduire un poids lourd vous devez passer le FIMO et le renouveler tous les 5 ans.
Ce qui change aujourd’hui, c’est que cette exigence de qualification se généralise à vitesses grand « V ». D’une part, elle s’applique à des risques qui ne mettent pas forcément en danger la vie d’autrui. Après la crise financière de 2008, l’AMF a mis en place, par exemple, une certification pour les conseillers de clientèle afin de limiter les risques de désinformation des clients qui souscrivaient à des produits financiers. D’autre part, elle intervient de plus en plus souvent dans le domaine de la qualité. C’est le cas depuis de nombreuses années pour les entreprises du bâtiment qui prétendent au certificat Qualibat. Ce sera très probablement le cas dès 2017 pour les organismes de formation qui souhaiteront bénéficier du référencement de financeurs.
Pour l’entreprise, former ses salariés ou embaucher des personnes bien formées, devient le moyen d’obtenir les qualifications qui lui permettront de vendre à un prix plus élevé, plus facilement… ou tout simplement pouvoir encore exercer son activité.
Une transformation du business model des organismes de formation ?
Dans le monde économique post moderne, former, c’est bien, certifier, c’est mieux ! Cela ne sera pas sans conséquence sur les organismes de formation. A ce sujet, il est intéressant de voir comment se monétisent actuellement les MOOCs. L’apprentissage est le plus souvent gratuit, la certification est payante. Et le tarif de la certification semble s’élever avec le temps.
Educpros – Les Etats-Unis inventent les MOOCs de demain – cliquez ici.
Demain, les organismes de formation deviendront-ils avant tout des valideurs de compétences, l’apprentissage se faisant sur la toile ou au poste de travail ? Cela n’est pas sûr, mais cela pourrait être une tendance forte. Affaire à suivre…