Dès 2016, C-Campus a été embarquée dans les premières expérimentations de formation en situation de travail organisées par la DGEFP. Cela fait donc 5 ans qu’à l’instar d’autres opérateurs de formation (organismes de formation, OPCO, branches professionnelles, entreprises…) nous contribuons avec enthousiasme au développement de l’AFEST. Quasiment trois ans après la parution du décret du 28 décembre 2018 institutionnalisant l’AFEST quel premier bilan pouvons-nous en tirer et comment pouvons-nous envisager ses développements futurs ?
Un premier bilan prometteur mais…
Un engouement certain
L’engouement suscité par l’AFEST à la publication de la loi « Avenir Professionnel » nous a surpris. Ayant participé à l’évangélisation au digital learning au début des années 2000, on a pu comparer ! Là où pour le digital learning, on essuyait des réponses polies du type « C’est intéressant, mais vous êtes sûr que ça marchera ? » ou carrément péremptoire « ça ne marchera jamais ! », on nous demandait pour l’AFEST des formations, des conférences et très vite des prestations de conseil pour sa mise en œuvre.
La crise sanitaire a calmé un peu les ardeurs. L’urgence de la « distancialisation » de la formation a fait passer l’AFEST au second plan. Mais les déploiements ne se sont pas arrêtés en 2020 et 2021 au sein des entreprises, des organismes de formation et des co-financeurs. Pour être précis, il faudrait d’ailleurs inverser le sens de l’énumération. Ce sont les OPCO qui les premiers, avec des conditions de financement plutôt favorables, ont suscité une appétence de la part des organismes de formation (surtout les plus petits d’entre eux et les consultant-formateurs indépendants). Les entreprises, sauf exceptions (Orange, Safran, Thales, Parc Astérix, Futuroscope etc.) ne s’y sont mises qu’après. C’est d’ailleurs en cette rentrée 2021 que l’on a constaté le souhait de leur part de s’y engager sérieusement.
Des déploiements très divers
Le deuxième étonnement constaté est la diversité des approches et des pratiques. L’AFEST n’a pas son One best way. Si bien que dès janvier 2020 nous avions publié un premier retour montrant cette diversité « Variations sur une AFEST : 10 retours d’expérience modélisés ».
Entre les entreprises qui déploient des AFEST de façon inductives (partant de pratiques de formation terrain existantes) ou déductives (partant de formation nouvelles), celles qui font des pures AFEST ou les intègrent dans des parcours multimodaux ou encore celles qui en profitent pour réaliser de la formation interne ou au contraire celles qui préfèrent tout externaliser, y compris l’accompagnement terrain, tout est possible en AFEST.
Cette diversité est source de vitalité. Il est probable qu’avec le temps, quelques modèles de déploiement s’imposent.
Cependant, diversité ne signifie pas qu’on peut faire n’importe quoi et que ça marche à tous les coups ! Trois conditions semblent incontournables :
- L’AFEST est une formation in vivo. Un soin tout particulier est à apporter à la mobilisation de tous ses acteurs et notamment les managers et apprenants.
- L’AFEST est une formation pour la maîtrise de situations de travail par la mise en œuvre de situations de travail apprenantes. L’analyse du travail devient un préalable incontournable à toute analyse du besoin en formation.
- L’AFEST est une nouvelle approche pédagogique qui invite l’apprenant à développer ses capacités réflexives. La formation des référents et des accompagnateurs aux techniques de questionnement réflexifs sont indispensables si on ne veut pas transformer l’AFEST en de simples pratiques de tutorat, de transmission terrain, de coaching ou encore de briefing.
Bref l’AFEST est in fine assez exigeante d’un point de vue pédagogique. Mais cela ne signifie pas, comme on peut l’entendre parfois de certains, qu’elle est une nouvelle « usine à gaz ». Elle demande simplement de prendre en compte les exigences fondamentales de toute bonne formation : des acteurs mobilisés, une analyse des besoins rigoureuse, des formateurs formés et pédagogues !
Si vous souhaitez apprendre de façon simple et concrète comment faire de l’AFEST, inscrivez-vous à notre programme certifiant “Référent AFEST”. Avec plus de 400 personnes certifiées en 5 ans et une certification renouvelée par France Compétences en octobre dernier pour les 5 prochaines années, c’est la certification de référence dans le domaine de l’AFEST !
A la recherche de son modèle économique
Les premiers pas de l’AFEST ont été très encourageants. Mais cinq ans plus tard, on cherche encore trop souvent le modèle économique pertinent. Là où le bât blesse, c’est dans la volonté excessive d’individualisation.
Former une personne en situation de travail, ce n’est pas former des individus pris séparément comme nous allons le voir plus loin. Pour l’instant, c’est souvent ainsi que certains acteurs de l’AFEST l’ont compris. On tombe alors dans le travers de refaire pour chaque apprenant l’analyse du travail, de réaliser des séquences réflexives en one to one (un tuteur pour un apprenant) ou encore de réaliser des évaluations in situ mobilisant à chaque fois le manager et le tuteur autour de l’apprenant. Bref, l’AFEST devient trop coûteuse comparativement à la formation présentielle ou distancielle. Sans parler évidemment de la simple consultation de cours de digital learning sur des plateformes.
Cela est parfois renforcé par les exigences de certains financeurs qui restent sur des modèles classiques de formation présentielles. L’inflation bureaucratique n’est jamais très loin. Et le jeu n’en vaut plus la chandelle, d’autant plus que le montant des prises en charge, avec le temps, a été orienté sensiblement à la baisse.
Et si on changeait de braquet !
Cinq ans après, il est grand temps de changer de braquet comme on dit dans le petit monde du vélo. Changer de braquet, cela veut dire passer sur la plaque. Les experts Es-Tour de France comprendront ! Pour les autres n’ayez crainte, cela veut dire simplement changer de dimension ou « envoyer du lourd » comme on dit chez les rugbymen. C’est-à-dire plus sérieusement, passer à la généralisation et à la massification des AFEST en entreprise. Pour ce faire, deux axes complémentaires sont à privilégier.
Vers une intégration systématique des AFEST dans les parcours d’onboarding et de reskilling.
L’AFEST n’est pas adaptée à la formation très courte, elle est particulièrement pertinente sur des formations longues, dans le cadre de parcours d’intégration ou de promotion ou encore de reconversion, notamment quand elles sont certifiantes. Car l’AFEST nécessite un fort niveau d’engagement de la part de l’apprenant.
La première des deux voies de développement de l’AFEST est donc « l’AFESTisation » partielle des parcours d’onboarding et de reskilling pour reprendre la terminologie anglo-saxone. Elle permettra de réduire la durée des temps de formation théoriques en présentiel aussi bien qu’en distanciel et de flexibiliser les parcours de formation.
Pour y parvenir, les référents AFEST des organismes de formation devront inventer de nouvelles ingénieries de parcours. Mais ils ne devront le faire qu’une fois pour toutes afin de réduire les coûts. Chaque accompagnateur adaptera ensuite le parcours au profil de son apprenant, à partir de trames de séquences d’AFEST types. Ce passage d’AFEST sur-mesure à des AFEST « standards customisées » est indispensable pour réduire les délais et coûts.
Toujours par souci de viabilité économique, il faudra sortir du modèle des séquences réflexives accompagnées par un tuteur. A la place, il sera nécessaire de transférer la capacité de questionnement réflexif à l’apprenant lui-même, ou aux groupes d’apprenants (analyse réflexive entre pairs). Comme le dit le dicton « Mieux vaut apprendre à pêcher, que donner le poisson ! »
Vers une appropriation des AFEST par les managers
La seconde voie de généralisation et de massification de l’AFEST est sa mise en œuvre directe par les managers eux-mêmes. Demain, tout manager pourrait être amené à bâtir pour son équipe un plan d’AFEST glissant trimestriel où chacun apprendrait des autres et aussi apprendrait aux autres.
Chacun avec ses objectifs d’apprentissage propres, réalisera des mises en situation de travail et bénéficiera de séquences de réflexivité collective avec ses co-équipiers.
L’AFEST collective, au niveau des équipes opérationnelles, permettra de traduire en pratiques, le concept « d’organisation apprenante », encore trop souvent ésotérique. L’AFEST doit nous permettre de passer demain au « management de l’équipe apprenante ».
L’AFEST : au milieu du gué
Cinq ans après, l’AFEST est d’une certaine manière au milieu du gué. Beaucoup de choses ont été faites et les premiers résultats sont plutôt encourageants, comparativement à d’autres innovations pédagogiques antérieures. Il n’en reste pas moins que l’AFEST doit sortir du petit monde des pédagogues et des organismes financeurs pour passer à une autre dimension et devenir LA modalité pédagogique privilégiée des entreprises, des managers et de leurs collaborateurs.
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