La loi n°2014-288 du 5 mars 2014 relative “à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale“ porte en elle une transformation profonde des pratiques de formation en entreprise. Voici ce qu’il faut retenir dans ce domaine.
D’une obligation de dépenser à une obligation de former
C’est le grand changement de la réforme ! Les entreprises sont libérées de l’obligation fiscale sur le plan de formation. En contre partie, les contraintes en matière d’obligation de former sont accrues. Attention ! les entreprises qui espéraient se simplifier les tâches administratives risquent d’être déçues. Elles vont devoir faire la preuve qu’elles ont bien adapté leurs salariés à leur poste de travail et qu’elles ont créé les conditions de leur employabilité tout au long de leur parcours dans l’entreprise. Concrètement, cela signifie qu’elles n’en ont pas fini avec la notion “de preuve de la réalisation de l’action de formation“. Car comment pourront-elles prouver qu’elles ont bien formé leurs salariés, si les actions qu’elles ont financé ne sont pas réputées être de la “formation“. Chassez l’imputabilité par la porte, elle rentre par la fenêtre !!!
L’entretien professionnel est totalement rénové
L’entretien professionnel est l’outil RH de la réforme. C’est le moyen de contrôle du respect de l’obligation de former, mais également de l’engagement de l’enterprise sur l’évolution de carrière de ses salariés. L’important pour l’entreprise n’est pas le risque d’abondement correctif. L’essentiel réside dans la responsabilité toujours plus grande de l’entreprise dans la gestion de carrière de ses salariés. Tous les 6 ans, elle devra rendre des comptes sur les formations, l’évolution salariale, la progression dans l’emploi et et les qualifications qu’elle a mis en place pour chacun de ses salariés.
Le CPF remplace le DIF
Le DIF est mort, vive le CPF ! Il n’aura fait que 10 ans et n’aura donc pas trouvé sa place entre le plan de formation et le CIF. Juridiquement, le CPF va le remplacer. Attention ! le CPF n’est pas une simple amélioration du DIF. C’est un dispositif beaucoup plus proche du CIF que ne l’était le DIF. D’abord le CPF est orienté vers des formations qualifiantes ou socle commun des compétences alors que le DIF était destiné à des formations de perfectionnement de courte durée. Ensuite, le CPF est dans de nombreux cas opposable à l’employeur. L’entreprise ne pourra pas refuser si la demande entre dans le cadre du socle commun de compétences, d’un accompagnement VAE, d’une action retenue dans un accord de branche ou d’entreprise. Enfin, le CPF sera majoritairement financé en dehors de l’entreprise (par l’OPCA et les OPACIF / FONGECIF pour les salariés). Car rares seront les entreprises qui prendront le risque d’auto financer le CPF.
OPCA : de financeur à accompagnateur des entreprises
Jusqu’à présent le rôle des OPCA était essentiellement de financer les formations sur les fonds mutualisés (0,5% professionnalisation et 0,9% plan). Ils continueront à le faire notamment sur le CPF et la professionnalisation mais les montants se limiteront à respectivement 0,2% et 0,4% pour les entreprises de plus de 300 salariés. La loi prévoit deux évolutions importantes pour les OPCA :
- Ils devront évaluer, sur des critères définis par décret, “la capacité du prestataire de formation à dispenser une formation de qualité“
- Ils pourront collecter “une contribution supplémentaire ayant pour objet le développement de la formation professionnelle continue“
Concrètement, cela signifie que les OPCA vont pouvoir davantage réguler le marché de la formation en intervenant sur le choix des prestataires et sur la gestion des plans de formation (l’expression importante sur le point 2. n’est pas “contribution supplémentaire“ mais “développement de la FPC“, car “développement“ est bien plus large qu’“action de formation“).
Un renforcement du dialogue social
Les syndicats ont tout fait pour obtenir une négociation annuelle du plan de formation. Cela fait plus de 40 ans que les organisations patronales s’y opposent. Et réforme après réforme, les objets de dialogue social sont de plus en plus nombreux. Cette fois-ci, il s’agit d’introduire le CPF dans les accords GPEC et de consulter sur un plan de formation triennal au lieu d’annuel et d’enrichir la liste des informations à fournir en CE si un accord d’entreprise le prévoit.
Le CEP, l’autre dispositif phare de la réforme
Le CEP ou Conseil en évolution professionnelle est moins médiatique que le CPF. Et pourtant, il pourrait être beaucoup plus important. C’est grâce à lui que les salariés (et non salariés) pourront s’y retrouver dans le labyrinthe du choix et du montage financier de leur formation. Il leur permettra également de s’orienter professionnellement. Bref, le CEP est un bilan de compétence allégé, ouvert à tous et surtout gratuit. C’est sur ce dernier point que le bât blesse. Où trouver le financement aujourd’hui pour un service gratuit ? Ce n’est pas l’Etat ou les Régions qui pourront le payer pour les salariés. Reste la solution du transfert des fonds du bilan de compétences vers le CEP.
Le CIF sanctuarisé ?
Malgré la concurrence du CPF, le CIF est maintenu. Pour combien de temps ? On peut s’interroger. Le CIF est positionné en complément du CPF pour les salariés souhaitant réaliser leur formation sans l’accord de leur entreprise et, par conséquent, en dehors du temps de travail. Mais si le CIF n’est plus qu’un complément du CPF, il y a de fortes chances pour qu’à la prochaine réforme CIF et CPF fusionnent. Cela posera la question de la fusion des OPCA et des FONGECIF. Ceux qui rêvent d’un “Pôle Emploi-Formation“ y seraient plutôt favorables.
Une période de professionnalisation qui s’éloigne du plan de formation
A la suite de la réforme de 2004, la période de professionnalisation fut une aubaine pour les entreprises capables de piloter leurs co-financement. Elles ont pu financer une grande partie de leur plan de formation, sur l’effort de professionnalisation. La loi Cherpion de 2009 a refroidi les plus habiles ingénieurs en co-financement de formation. La réforme de 2014 risque de les déprimer : les critères d’éligibilité des actions sont calés sur ceux du CPF.
Une obligation de reconnaissance renforcée
Cela est presque passé inaperçu. Le Législateur est allé beaucoup plus loin que les négociateurs. Dans l’ANI du 14 décembre 2013, seules les formations hors temps de travail devaient être reconnues par l’employeur, à savoir donc les actions de type 2 du plan et les formations CPF acceptées par l’employeur. La loi du 5 mars modifie sensiblement l’article L.6321-8 : toutes les actions de développement des compétences qu’elles soient sur ou hors temps de travail doivent faire l’objet d’une reconnaissance. Rien n’est dit pour les actions de type CPF. La catégorisation du plan de formation 2015 ne sera pas qu’un simple exercice de style.
L’apprentissage en CDI
Ce n’est pas le grand soir pour l’apprentissage, mais le système va être sensiblement revu. Les OPCA deviennent OCTA et pourront donc collecter les fonds de la taxe. Plus intéressant pour les entreprises est la possibilité de réaliser des contrats d’apprentissage en CDI. C’est un avantage pour les entreprises sur des marchés de l’emploi en tension. Elles pourront recruter à l’aide de l’apprentissage. Cela permettra peut être d’inverser la tendance à la baisse du nombre d’apprenti en France.