Nombreux sont les gourous de la formation qui voudraient nous le faire croire. Encore plus nombreux sont les vendeurs de robots en tous genres qui souhaitent nous convaincre des miracles de leurs produits. On ne peut leur en vouloir, il faut bien qu’ils vivent eux aussi. Mais malgré le buzz nous n’arrivons pas vraiment à y croire. Je sais, cela n’est pas “moderne” de ne pas croire à la modernité ! Mais cette fois-ci on a quelques arguments à avancer.
Méfions-nous des effets de mode !
L’IA, ça sent l’effet de mode. On a l’impression que l’histoire se répète. Car, des modes, il y en a eu en formation ! On en a vu arriver des nouvelles technologies qui devaient tout révolutionner. Milieu des années 1980, l’EAO ou Enseignement Assisté par Ordinateur faisait déjà tremblait les formateurs. Qui s’en souvient ? Certainement pas les plus jeunes qui peinent à croire qu’une disquette molle pouvait remplacer le “Cloud”.
Fin des années 1990, c’est la première vague de E-Learning qui déferle. Elle a vite fait Pschitt. Faut dire que 500.000 Francs pour faire un module d’une heure, ça coûtait cher. Pour ceux qui ne s’en souviendraient plus, ça faisait quand même plus de 75 K€ !
Passons sur les serious games, qui n’ont pas eu beaucoup plus d’influence dans la formation que les jeux de Lego (si, si dans les années 1990, on a bien aimé faire jouer les cadres aux Legos pour leur apprendre à mieux manager leurs équipes). Et reconnaissons qu’aujourd’hui le e-learning s’est transformé, dans la novlangue de la formation, en digital Learning et que plus personne ne parle sérieusement de solution 100% digitale, sauf contexte particulier.
Alors peut-être que l’IA ne suivra pas le même chemin, mais en l’état on a du mal à l’imaginer tout renverser et supprimer en chemin tous les formateurs.
Former n’est pas entraîner…
Les thuriféraires de l’IA nous expliquent qu’on n’y comprend rien et que “ça marche déjà”. Pour preuve, ces ordis qui battent les meilleurs joueurs d’échecs ou ces robots qui nous apprennent à jouer au Ping Pong. Ok, ces robots sont formidables, mais un formateur n’est pas un entraîneur. Son rôle n’est pas de faire répéter le geste jusqu’à ce que son apprenant sache faire. Le job d’opérateur en production, de commercial et encore moins de cadre, ne se limite à répéter des gestes professionnels. Dans toute situation professionnelle, il y a avant tout une intelligence de situation à développer. Le formateur ne formate pas, il donne à voir, apporte du sens, amène à interroger sa pratique. Le bon entraîneur non plus, d’ailleurs, ne formate pas, mais trouve les mots justes pour révéler le potentiel qui se cache dans le Talent qu’on lui a confié.
Former n’est pas enseigner…
“Oui, mais pour apprendre une langue, vous voyez bien que les robots et autres chatbots peuvent remplacer vos bons vieux formateurs”. C’est vrai, même Thot Cursus l’affirme. Mais là encore il y a une jolie confusion. Cette fois-ci entre formation et enseignement.
Apprendre une langue, apprendre les bases des mathématiques, peut-être même à coder, pourra certainement s’apprendre grâce à l’intelligence artificielle. Mais apprendre le management de projet dans le contexte de son entreprise, s’approprier les valeurs et modes de communication de sa Boite, maîtriser des gestes complexes pour faire fonctionner une machine impossible à automatiser… pourra-t-il s’apprendre avec un robot ? Or l’essentiel de la formation en entreprise se situe autour de ces problématiques. Les savoirs de base ne sont pas l’enjeu de la formation en entreprise, n’en déplaisent à tous ceux qui veulent réformer la formation. Ce sont les savoirs complexes, contextualisés qui doivent être acquis grâce à la formation. Et dans ce domaine, les robots sont rares. Ils risquent de se retrouver comme les bons vieux modules de E-Learning ou les plus récents Serious Games : trop chers pour trouver un débouché dans la formation.
Qui nous apprendra à maîtriser des compétences de plus en plus complexes ?
Alors oui, chatbots et autres robots pourront être utiles dans certains contextes de formation. Et nous reconnaissons que certaines formations n’auront même plus lieu d’être. Apprend-t-on aujourd’hui encore à lire une carte ? Le GPS a totalement dévalorisé cette compétence. Ce n’est qu’un exemple de toutes les compétences de bases qui risquent de vaciller face à l’IA. Mais il faudra bien pendant encore quelques décennies des femmes et des hommes pour manager des robots. Et ces femmes et ces hommes auront besoin de maîtriser des compétences de plus en plus complexes. Il faudra bien des formateurs pour les accompagner, en attendant qu’adviennent des robots qui apprennent à leur “maître” comment ils doivent être managés. Ces robots-là seront sacrements intelligents ! Mais honnêtement, existent-ils vraiment ? Les verrons-nous ? Nos enfants les verront-ils ?