Le blog de C-Campus

L’IA va-t-elle vraiment remplacer les tuteurs en entreprise ?

Ne tournons pas autour du pot : La montée en puissance de l’intelligence artificielle (IA) contribue vraiment à la transformation de la formation en entreprise. De là, à pronostiquer, comme certains le font, que des IA génératives vont remplacer les tuteurs humains en entreprises, il y a un pas, que nous nous gardons de franchir.  Nous sommes pour le moment persuadés du contraire et pas seulement par “humanisme”.

L’IA, un tuteur digital si parfait ?

Commençons par les principales « qualités » des IA, celles que l’on nous vante sur les “intertubes” :

  • Les IA ne sont jamais fatiguées 
    Disponibles à toute heure pour répondre rapidement aux questions des apprenants. 
    Exemples : des Chatbots fournissant des informations et un « soutien » continu, n’importe où et n’importe quand, en théorie sur tous les sujets.
  • Les IA sont capables de gérer une personnalisation assez poussée
    Les algorithmes permettent d’analyser les données des apprenants en formation (avancement, résultats de tests, etc.) et de leur proposer des contenus ultra-personnalisés.

    Exemple : des IA adaptatives modifiant en permanence contenus et niveaux de difficulté, en fonction des progrès (ou difficultés) de l’apprenant.
  • Les IA peuvent accompagner de nombreux apprenants
     Ce qui est impossible pour un tuteur humain “opérationnel” ou alors il devient tuteur à temps plein…

    Exemple : les plateformes de contenus digitaux pilotées par des IA.
  • Optimisation des coûts de formation par IA
     Sur le papier, l’entreprise fait une économie en proposant l’IA à ses apprenants (l’ex tuteur humain produit, au lieu de “tutorer” un collègue) 

    Exemple : des programmes de formation intégrés utilisant l’IA pour automatiser l’apprentissage au poste de travail.

Quelques défauts quand même…

Malgré toutes ses “qualités promises” un tutorat intégralement assuré par IA comporterait quelques travers. En effet l’omniscience et l’omnipotence des IA que l’on nous promet, sont factuellement des effets d’annonces marketing des promoteurs de l’IA

  • Parfois les IA racontent n’importe quoi… Nous avons tous entendu parler, parfois vécu, des “hallucinations”, biais d’entrainement, manque de connaissances spécialisées, etc. des IA
  • Une IA peut difficilement déceler des signaux faibles de démotivation en formation chez un apprenant,
  • S’il suffisait d’accompagner les apprenants pour qu’ils apprennent, ça se saurait,
  • Il y a une contradiction entre  “formater” et “apprendre” : un apprentissage est toujours un cheminement individuel, non prédictif et non linéaire !

Pourquoi le tutorat 100% IA reste un fantasme !

On sait de mieux en mieux comment notre cerveau apprend, quels sont les facteurs favorisant l’apprentissage et les “incontournables” de la pédagogie. À moins d’une fusion homme-machine (les trans-humanistes en rêvent…), l’apprentissage 100% par IA poserait quelques problèmes.

Nous en avons repéré 4 principaux :

#1 Si les apprenants ne possèdent pas certaines compétences « méta-cognitives » ils auront encore plus de mal à planifier et développer de réels apprentissages avec l’IA
Et puis discuter pendant des heures avec un chatbot, c’est bien. Mais à un moment, pour apprendre, il faut se confronter au réel, à des missions délicates, au fameux conflit socio cognitif

#2 L’IA analyse difficilement certaines difficultés en formation : sociales, relationnelles, cognitives. Un apprenant concerné ne peut pas trop compter sur l’IA, en la matière…

#3 L’arbre de la connaissance cache la forêt des compétences !
L’apprenant se limitant à apprendre avec l’IA engrangerait certes des “connaissances”, mais passerait à côté de l’opportunité d’apprendre avec ses pairs, les “compétences” nécessaires à l’exercice de l’activité professionnelle réelle !

#4 L’illusion du pilotage automatique
Être supervisé et évalué en permanence par une IA, c’est bien.  Mais savoir s’auto-évaluer, se fixer des objectifs d’apprentissage ou développer sa propre capacité réflexive en tant qu’apprenant (sans IA), c’est nettement mieux, pour ancrer ses apprentissages !

4 défis à surmonter…

Les ingénieurs développant les IA, dans l’état actuel de leur conception et fonctionnement, sont confrontés à 4 défis : 

  1. Les IA sont de plus en plus puissantes mais elles sont incapables de comprendre en profondeur le contexte de l’apprenant et de son environnement. 
  2. Elles n’ont pas de capacité d’inventivité ou de créativité intrinsèques. Elles peuvent analyser,copier, remodeler, recombiner, etc. des données, aider l’humain à être plus productif, mais pas “créer” au sens littéral.
  3. Les IA sont toujours alimentées par et dépendantes des créations humaines, uniquement sur internet et dans les bases de données, avec un risque d’obsolescence. Leur accès à la connaissance “non formelle” pose beaucoup de questions aux ingénieurs développant les IA génératives. Déjà pour les humains, acquérir certains “codes” de l’entreprise, ce n’est pas facile, particulièrement en France où nous avons une culture assez implicite ! Une grande partie de “l’intelligence” et de la richesse humaines échappe complètement aux IA !
  4. Les IA ne peuvent pas traiter les problèmes complexes de développement des compétences qui sont dus aux facteurs humains. Elles ne peuvent pas cerner les subtilités culturelles, des relations interpersonnelles, des rapports de pouvoir, etc., au sein des organisations !

L’IA ne pourra pas gérer par exemple,  “l’engagement en formation”. Pour en savoir plus sur ce concept pédagogique, lisez cet article : en savoir plus sur les différents types de dispositifs favorisant l’engagement en formation

Les humains restent essentiels !

Ouf ! Nous pourrons toujours mobiliser des tuteurs et tutrices en chair et en os et c’est une excellente nouvelle ! Et voici  3 raisons fondamentales :

  1. Les tuteurs humains comprennent les nuances émotionnelles des apprenants.
    Ils peuvent s’adapter. Par exemple, si leur apprenant traverse une période délicate (dans sa vie professionnelle comme personnelle), ils peuvent mettre en attente la formation et apporter un soutien ou à l’inverse, challenger l’apprenant s’il est enthousiaste et joyeux d’apprendre !
  2. Tuteurs et tutrices détiennent une richesse expérientielle aux yeux des apprenants.
    Les apprenants adorent les trucs, astuces, gestes, tours de mains, les savoir-faire et savoir-être de leurs tuteurs humains. Quoi de plus éclairant que d’écouter des anecdotes édifiantes, tirées des expériences de ses tuteurs. Si on peut éviter de faire les mêmes erreurs qu’eux, on gagne un temps précieux. Et si on fait une “boulette”, ils peuvent aider à en tirer un enseignement !
  3. L’interaction humaine est indispensable à la motivation à apprendre
    Dans l’article conseillé plus haut, vous lirez que les interactions sociales sont cruciales pour maintenir la motivation à apprendre. Les feed-back de ses pairs, l’accompagnement réflexif, le mentorat, le co-développement, etc. renforcent l’engagement des apprenants à apprendre, pratiquer, persévérer !

Trois enseignements des formations au tutorat !

Nos expériences en formation de tuteurs et tutrices chez C-Campus nous ont apporté trois grands enseignements sur la valeur ajoutée du tutorat en entreprise.

Chez C-Campus, nous ne sommes pas “IA-sceptiques” nous sommes “IA-réalistes”. Un peu de publicité d’ailleurs : nous formons des formateurs  à concevoir avec l’IA. C’est ici si vous voulez en savoir plus : programme

Enseignement 1 : Plus la discipline est complexe, plus le tutorat est incontournable

La force de l’expérience de terrain est essentielle pour guider les apprenants dans des environnements très techniques ou encore variés, changeants, dépendants du facteur culturel, organisationnel ou relationnel.

Enseignement 2 : Quand l’enjeu est fort, l’accompagnement prend encore plus de sens !

Une autre manière de le dire : plus un niveau élevé d’engagement de l’apprenant en formation est nécessaire (c’est le cas des parcours longs, des formations certifiantes, etc.) plus l’apprenant aura besoin d’un « soutien » humain.

Enseignement 3 : Plus l’entreprise détient des savoir-faire propres, moins l’IA est performante, plus le tuteur a de valeur ajoutée !

Une IA est limitée à ce qu’on lui « donne à manger ». Comme dit plus haut, elle ne dispose que de ce qui est documenté, publié et accessible sous un format digital. Tout n’est pas digitalisable, ni même partageable dans une entreprise. Par exemple, les secrets de fabrication ! Ciao l’IA !

Vers un tutorat hybride alors ?

Les tuteurs humains assistés par l’IA pourraient sous conditions, optimiser leur tutorat. La première condition évidente étant leur propre « appétence » à l’IA

Par exemple l’IA prend en charge les contenus techniques et les aspects répétitifs du parcours de formation de l’apprenant. Et le tuteur humain se concentre sur le feed-back, l’accompagnement de l’apprenant dans sa réflexivité, le développement des soft skills, etc.

Cela suppose de  “penser” la cohérence (ou la complémentarité) entre le rôle des tuteurs et ce que l’IA peut apporter aux apprenants ! 

À l’instar du formateur, le rôle de tuteur en entreprise évolue vers une posture d’accompagnateur, de coach, de conseil et de médiation auprès de l’apprenant. L’intelligence artificielle ne va pas remplacer le tuteur humain, mais elle va probablement accélérer cette transformation du rôle traditionnel des tuteurs.

Malgré leurs capacités de plus en plus bluffantes, les IA ne sont (c’est déjà pas mal…) que de bons outils pour faciliter la connaissance. Elles ne peuvent pas remplacer la richesse de l’expérience des tuteurs humains. Tuteurs et tutrices demeurent irremplaçables pour transmettre les savoirs tacites et implicites, et offrir un accompagnement personnalisé, qui tient compte de la variété des contextes sociaux, émotionnels, relationnels et culturels des apprenants.

Pour étayer votre lecture, nous vous avons trouvé ci-dessous quelques références (en anglais mais vous pouvez utiliser l’IA pour traduire !). Surtout, pensez à vous abonner à notre Newsletter !

  1. L’intelligence émotionnelle :
    D. Goleman (2006). “Social Intelligence: The New Science of Human Relationships”.
    Goleman a exploré l’importance de l’intelligence émotionnelle et des interactions humaines, y compris dans les contextes de formation.
  2. La richesse de l’expérience humaine :
    A. Collins et R Halverson (2018). “Rethinking Education in the Age of Technology : The Digital Revolution and Schooling in America“. Les deux auteurs évoquent comment l’expérience humaine, le tutorat, le mentorat, restent incontournables dans les contextes éducatifs, malgré les avancées technologiques constantes en formation.
  3. Les limites actuelles de l’IA :
    L. Floridi (2020) « The Limits of AI : Complex and Ethical Issue »

    L’auteur dans son article souligne les limitations actuelles de l’IA en termes de compréhension de contextes ou de résolution de problèmes complexes et pointe l’importance de la réflexion humaine dans tout apprentissage.
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