Sous l’effet du développement du Digital Learning, de l’AFEST et plus généralement de la personnalisation de la formation, les métiers de la formation se transforment progressivement. Cette transformation va s’accélérer davantage encore avec la mise en œuvre concrète de la loi Avenir Professionnel. CPF désintermédié, Apprentissage ouverts à la concurrence, plan de formation transformé en plan de développement des compétences… pourraient avoir des conséquences très importantes sur les métiers de la formation. Last but not least, l’IA pourrait impacter les pratiques de formations en langues étrangères et bureautique et plus globalement toutes les formations aux contenus peu contextualisés. Nous commençons cette série de deux articles par l’évolution du rôle du formateur. Le deuxième article sera consacré à l’évolution des métiers supports à la formation. Le contenu de ces deux articles sera présenté au cours de l’atelier que nous animerons dans le cadre du Learning Show à Rennes le 17 octobre prochain.
La fin du formateur transmetteur de savoir
Là-dessus tout le monde est d’accord (ou presque !), le formateur n’a plus à transmettre de savoir en formation. Son job n’est plus de dire ce qu’il faut faire et comment il faut le faire, mais d’amener les apprenants à développer par eux-mêmes leurs compétences. Ce qui implique que l’apprenant découvre les connaissances par lui-même par des ressources digitales ou par sa propre analyse réflexive telle que cela peut être le cas en AFEST.
Chassé de la transmission du savoir, le formateur reste cependant un “expert” incontournable dans un dispositif d’apprentissage. Tant qu’il y aura des compétences contextualisées, et non pas générique à acquérir, le formateur restera la première personne sur laquelle tout apprenant prendra appui pour se développer. Pour les connaissances décontextualisées comme l’apprentissage des langues, du code (pour le permis de conduire comme pour le codage informatique) ou encore d’obligations réglementaires, la vérité pourrait être différente. Car l’IA pourrait venir rapidement changer la donne. Mais les robots capables de comprendre les interactions entre un apprenant et des situations de travail complexes ne sont pas encore sortis d’usines. Les formateurs ont encore de beaux jours devant eux s’ils savent s’adapter et maîtriser les trois dimensions de leur nouveau métier.
Le formateur tri dimensionnel
Le concepteur de ressources pédagogiques digitales
Première dimension du nouveau formateur, la conception de ressources pédagogiques digitales en flux continu. Jusqu’à présent, le digital learning a été taylorisé. Il y avait d’un côté les experts qui donnaient leurs savoirs, les scénaristes pédagogiques qui concevaient le déroulé et rédigaient le contenu et les personnes au studio (intégrateurs, graphistes, vidéastes) qui produisaient les médias et montaient les modules. Conséquences : les coûts du digital learning ont explosé et les formateurs ont été tenu à l’écart de cette révolution potentielle. Certains ont joué un peu le rôle d’experts, d’autres partiellement celui de concepteur, mais au final, la révolution, quand elle s’est faite, a été menée sans eux. Et évidemment, ils ont su le faire comprendre à leur direction qui se sont retrouvées parfois face une fronde qu’elle n’avait pas vue venir. D’où trop souvent le constat d’une révolution avortée concernant le digital learning.
Après 10 ans de tâtonnement, les choses semblent se clarifier. Grâce à la technologie, concevoir une ressource digitale devient de plus en plus facile. A partir du moment, où on est capable de formaliser son savoir, il n’y a plus d’obstacle technique. Des solutions vidéos comme RapidMOOC, Speech Me ou de mobile learning comme Inteach rendent les choses bien plus faciles. Et il n’est même plus nécessaire parfois d’acheter ou louer des solutions de ce type pour devenir le « King du Digital Learning », PowerPoint peut parfois très bien faire l’affaire !
Cet accès facilité à la technologie, rebat les cartes. Le formateur de demain ne sera plus transmetteur du savoir en salle de formation, mais devrait reprendre sa place au cœur du processus de production de digital learning. Réaliser des ressources en mode agile à consulter en amont ou aval d’un cours va devenir le quotidien du formateur. Il conservera ainsi son expertise, mais c’est sa façon de la partager qui changera. Il ne sera plus celui qui lit et commente son diaporama face à son auditoire, mais il continuera à diffuser son expertise par ce nouveau média qu’est devenu le Digital Learning.
L’accompagnateur pédagogique et social
La fin du groupe-classe et le développement concomitant de la personnalisation, entraîne inévitablement un nouveau rapport à l’acte d’apprentissage. L’apprenant se retrouve le plus souvent seul face à son parcours de formation. Il lui revient de choisir sa formation, de planifier ses séquences d’apprentissage, d’apprendre en auto ou co-formation, parfois même de s’auto évaluer et s’auto tester. Rares sont les apprenants qui ont la capacité de faire tout cela seul. C’est pourquoi il est de plus en plus nécessaire de mettre en place des dispositifs d’accompagnement solides si on veut éviter l’échec en formation.
Cet accompagnement est double. Il est essentiellement pédagogique : aide au choix d’activité pédagogique, fléchage vers des ressources pédagogiques, feedback en cours de formation, entretien de régulation pour gérer l’évolution du niveau de motivation, etc.
Il peut être également social pour la formation en apprentissage ou la reprise d’études : identification aux freins et difficultés liés à son environnement personnel, familial ou de travail, mobilisation des réseaux pour aider l’apprenant à lever ces freins.
Le concepteur de parcours pédagogiques sur la base d’une analyse du travail
Le formateur restera un concepteur pédagogique dans les années à venir. Mais la conception pédagogique, elle-même, va évoluer sensiblement. Lorsque la formation n’était que présentielle, concevoir une formation revenait à bâtir un scénario pédagogique, réaliser son diaporama et préparer ses exercices et outils d’évaluation. Lorsque le parcours devient multimodal à base d’AFEST, la conception pédagogique part d’une analyse du travail approfondie et il revient au concepteur d’aménager des situations de travail apprenantes, de mobiliser différents acteurs (accompagnateurs AFEST, managers, experts…), de rechercher dans les bibliothèques de digital learning les contenus les mieux appropriés et de sélectionner ou réaliser les outils d’évaluation et d’accompagnement les mieux adaptés au dispsositif d’apprentissage mis en œuvre.
Bref, on passe d’une ingénierie pédagogique à une ingénierie du développement des compétences. Les compétences fondamentales du formateur ne reposent plus seulement sur des savoirs et savoir-faire pédagogiques, mais davantage sur des savoirs et savoir-faire d’ergonome, de psychologue du travail ou plus précisément encore de didactique professionnelle. Il est autant un chef de projet en organisation et optimisation des processus de travail qu’un expert des techniques pédagogiques.