L’organisation apprenante est déjà un concept ancien. Remis au goût du jour ces dernières années, il apparaît aujourd’hui comme une « nouvelle » tendance de la formation. Mais pour que celle-ci ne devienne pas qu’une simple mode, il est nécessaire de la traduire en actions concrètes.
A l’occasion des rencontres des 21 et 28 juin du CLUB C-Campus L&D, nous avons partagé les meilleures pratiques concrètes dans ce domaine. Vous retrouverez en fin d’article quelques-uns des exemples discutés au cours de ces échanges. Mais avant cela, nous vous proposons un rapide rappel de ce qu’est l’organisation apprenante et comment s’y prendre pour en faire une réalité concrète dans vos entreprises.
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Organisation apprenante : de quoi parle-t-on ?
Le concept d’organisation apprenante nous vient d’Outre-Atlantique. C’est Peter Senge, professeur de management au sein d’universités américaines qui a popularisé le terme via la publication de son best-seller : « The Fifth Discipline – The art and practice of the learning organization », 1990. Traduit en de nombreuses langues et notamment en français, ce concept a une première vie dès le milieu des années 1990.
A cette époque, les directions formation des grands groupes français et internationaux en France (notamment Shell, GE, Kodak, Philips…) étaient à la recherche de nouvelles approches pour renouveler leurs pratiques. On était avant la première vague du E-Learning et les stages présentiels classiques ne répondaient déjà plus aux exigences des opérationnels.
Le livre et les conférences de Peter Senge sont tombés à point nommés. Il expliquait de façon simple qu’en appliquant les 5 disciplines les entreprises apprenaient plus vite que leurs concurrentes et s’adapter beaucoup mieux à leur environnement, qui était déjà en profonde transformation. Si, si, la transformation des organisations ne date pas de l’ère « Start-up » ! Dès le début des années 1980, les entreprises devaient faire face à des évolutions technologiques, économiques et surtout culturelles profondes.
Organisation apprenante : les raisons d’un premier échec…
Malheureusement, si les principes étaient séduisants, la mise en œuvre fut plus délicate. Surtout en France. On peut le dire : le concept d’organisation apprenante a fait Pschitt au début des années 2000 ! Les entreprises emblématiques qui avaient mis en place ces démarches ont été bien chahutées par la révolution digitale. Il n’est qu’à reprendre la liste des entreprises citées plus haut, pour en faire le constat.
Deux raisons essentielles semblent à l’origine de ce reflux de la notion d’organisation apprenante :
- La démarche préconisée par les théoriciens de l’organisation (P.Senge, Chris Argyris, D.A.Schön…) ou des associations telles que S.O.L était assez lourde à mettre en place. Elle invitait les directions d’entreprise à créer des structures informelles et transverses, plus proches de démarches de type Qualité à la japonaise que d’approches agiles de type Start-up. Pour réussir, il fallait savoir persister. Les résultats n’étaient pas immédiats. Et les changements de plus en plus rapides à la tête des entreprises lors de la première décennie du 21ième siècle, n’ont pas facilité la tâche des pionniers de l’organisation apprenante.
- L’organisation apprenante était un concept managérial qui s’appliquait à l’échelle de l’entreprise, et même de la grande entreprise. Mais rares ont été les entreprises qui sont allées jusqu’à confier le déploiement de la démarche à une direction précise (c’était d’ailleurs quasiment antinomique à l’idée même d’organisation apprenante !). Résultat des courses : tout le monde pouvait faire de l’organisation apprenante, mais personne ne se sentait responsable de la déployer et n’avait de moyens et de budgets pour soutenir les initiatives. Le concept d’organisation apprenante est ainsi tombé dans un « no man’s land managérial ».
Organisation apprenante : les raisons d’un renouveau !
Depuis quelques années, la notion d’organisation apprenante ou d’entreprise apprenante est redevenue tendance, dans le monde de l’efficience managériale et du coaching, mais pas seulement, également dans le monde de la formation.
Concernant le renouveau de cette notion dans le monde de la formation en entreprise, nous pouvons l’expliquer par le besoin de sortir du modèle hégémonique (pour ne pas dire quasi unique jusqu’au début des années 2010) de la formation formelle en salle de formation.
Les consultants, formateurs et start-up EdTech ont trouvé dans ce concept une façon de valoriser les pratiques innovantes en formation. Si bien que le terme d’organisation apprenante a été mis à toutes les sauces. Déployer des MOOCs, c’était devenir une organisation apprenante, faire de la formation au poste de travail, également. Réaliser du co-développement managérial, évidemment aussi !
Bref, tout devenait organisation apprenante. Cette évolution du sens s’est imposée inexorablement. Faut-il s’en plaindre ? Oui, si on est un puriste et qu’on souhaite se référer à la définition « canal historique » de Peter Senge. Certainement pas, si on prend le parti de voir dans cette évolution sémantique, l’aspect positif de l’appropriation par les entreprises de ce concept. Il permet de mettre des mots simples sur des pratiques qui dérogent à la sempiternelle formation formelle, qu’elle soit présentielle ou en classe virtuelle.
A l’instar de la fameuse loi 70 :20 :10, le concept d’organisation apprenante ou d’entreprise apprenante semble devenir un étendard pour toutes les directions L&D qui souhaitent mobiliser leurs parties prenantes sur une vision de la formation plus proche du terrain, du travail et du développement de l’intelligence collective.
Organisation apprenante : une diversité de pratiques…
Cette vision protéiforme de l’organisation apprenante nous convient bien. C’est ainsi que nous l’avons abordée lors de nos rencontres de juin du Club C-Campus L&D. A chacun sa façon d’entrer dans l’organisation apprenante. Et les façons sont nombreuses, en voici 8, autour desquelles nous avons débattu :
- Learning festival. C’est une approche très originale en cours de déploiement chez un industriel membre du Club L&D. Chacun, l’espace d’une dizaine de jours, peut présenter les sujets de son choix à l’ensemble de son entreprise ou partager ses bonnes pratiques ou encore faire du “co-dév”. C’est une façon de revisiter grandement la formation interne, en s’inspirant des codes des festivals pour engager les apprenants.
- Le déploiement de MOOCs créés en autonomie par les experts de l’entreprise. Là aussi, il s’agit de repenser d’une certaine manière la formation interne. Cela a été mis en place chez un opérateur du nucléaire, où les grands experts de l’entreprise ne se limitent plus à faire des formations internes classiques, mais sont devenus des auteurs de MOOCs. Ils touchent une cible beaucoup plus grande et de façon beaucoup plus flexible. C’est de la formation ATAWADAC !
- Les Kits de facilitation. Là, on prend le parti inverse. Post-Covid, il est temps de revenir à des échanges en face à face. D’où l’idée qu’a eu la direction L&D d’un leader de la logistique de créer des BOX pour équiper managers et formateurs internes, afin de leur permettre de déployer des programmes de formation sur des thématiques essentielles de l’entreprise. C’est ludique et particulièrement bien fait pour garantir des animations dynamiques à des non professionnels de la formation et favoriser l’intelligence collective au sein des équipes.
- La culture du feedback. La pratique du feedback est aujourd’hui reconnue comme un moyen incontournable pour faire progresser les collaborateurs. Les expériences de déploiement de pratiques de feedback ne se comptent plus dans les entreprises, notamment chez un de nos clients, grand opérateur Télécom. C’est une étape sur le chemin de l’organisation apprenante, comme le déploiement d’ateliers de co-développement.
- La sensibilisation des managers au déploiement de démarche d’équipe apprenante. Avec l’équipe apprenante, on traduit la notion d’organisation apprenante au niveau de l’équipe. C’est beaucoup plus concret et efficace. Une mutuelle, par exemple, forme cet automne l’ensemble de ses managers à cette approche. Ils et elles apprennent à bâtir un plan de formation terrain sur les compétences critiques de leurs entreprises, à mettre en place des rituels d’apprentissage au sein des équipes et à les animer avec des techniques favorisant l’apprentissage collaboratif.
- Le développement des compétences en continu. Cette approche complémentaire à la précédente est mise en place notamment dans une entreprise de très haute technologie. L’entretien annuel est complété par des points périodiques et les managers sont invités à faire des réunions de suivi régulièrement avec les équipes formations pour mettre en place des actions de développement des compétences en continu. L’objectif est d’en finir avec la vache sacrée du plan annuel de formation. Là aussi, la formation se rapproche du terrain et les équipes formation elles-mêmes se rapprochent des managers. Tout le monde y gagne !
- La création et l’animation de réseaux de formateurs internes. Difficile de citer toutes les entreprises qui s’engagent dans cette approche, tellement elles sont nombreuses ! Une chose est sûre, elles ont toutes bien compris que les formateurs, quel que soit leur profil sont les fers de lance d’une organisation apprenante. Ils portent la diffusion à la fois des savoirs explicites et tacites au sein de l’entreprise. Savoir les sélectionner, les former, les mobiliser, les outiller, les accompagner et les reconnaître sont donc des enjeux forts pour les directions L&D.
- L’AFEST à grande échelle. L’AFEST entre dans sa phase de décollage. Après 3 ans d’un contexte peu favorable à cette modalité (confinement, digitalisation forcée, etc.) les entreprises pionnières entrent dans une seconde étape de la mise en œuvre. Telle Danone ou Orange, elles déploient l’AFEST sur des projets d’envergure. C’est une autre façon de devenir une entreprise apprenante.