Powerpoint est un logiciel étonnamment décrié. C’est pourtant un outil auteur très complet au service de la production de ressources digitales de formation, tant pour outiller le présentiel que pour alimenter des situations de formation à distance. L’application rêvée au service de la formation multimodale en somme.
Powerpoint le malaimé
Rarement un logiciel a été plus honni et abhorré que Powerpoint. À tel point que nous concevons qu’il se joue dans cette aversion quelque chose qui dépasse largement le registre strictement fonctionnel.
Ainsi, quelques « tempes grises », en Don Quichotte des temps modernes, chargent, l’épée au poing, cet emblème de Microsoft et de Bill Gates, lui-même symbole ultime de l’anti-cool ultra libéral.
Les designers graphiques méprisent ce vilain petit canard bureautique, jugé insignifiant à côté de sa majesté Adobe.
D’autres encore le considèrent comme un outil de formatage de la pensée redoutable, évoquant même une « culture Powerpoint » qui nous rendrait stupide.
D’autres enfin fustigent les présentations médiocres et soporifiques représentatives de la junk-réunionite et de l’ennui au bureau.
Faut-il que l’outil soit puissant pour déchaîner tant de passions !
Powerpoint est avant tout un outil auteur
De fait, le logiciel en a beaucoup sous le capot. Mais pour le considérer à sa juste valeur, il faut le regarder autrement, par-delà les controverses. Pour cela, il semble tout d’abord important de soustraire l’application de sa finalité commerciale originelle. Ainsi, dans cet article nous ne considérons pas le logiciel dans un contexte de vente mais dans un cadre de formation.
Ce changement d’environnement nous permet de réinterroger la finalité de l’outil. Car envisager Powerpoint comme un outil de présentation est très réducteur. Le diaporama est une des modalités de diffusion proposée par Powerpoint, mais c’est loin d’être la seule.
Enfin, enfonçons quelques portes ouvertes en rappelant que la maîtrise d’un outil ne garantit en rien la qualité d’une production. Si connaître sur le bout des doigts toutes les fonctionnalités de Powerpoint est un excellent début, cela ne vous transforme pas pour autant, comme par magie, en un bon concepteur pédagogique. Mais cela n’est pas spécifique à Powerpoint.
Maintenant que nous avons l’esprit ouvert et l’œil neuf, nous pouvons voir Powerpoint comme un outil d’intégration très complet, un véritable outil auteur, facile d’accès compte tenu des possibilités qu’il offre.
Nous l’avons évoqué dans un précédent article : un bon outil auteur permet d’importer de nombreuses ressources multimédias (textes / images / sons / vidéos) afin de les organiser, les combiner, les synchroniser, les mettre en mouvement et, pour finir, de générer une ressource digitale de formation (vidéo, podcast, diaporama, ressource interactive…).
Feed me, feed me ! Powerpoint mange de tout
Au niveau de l’input, Powerpoint permet d’importer les principaux formats multimédias, tant au niveau des fichiers graphiques (gif, gif animé, jpg, png, svg, bmp, tiff, ico…), y compris les fichiers 3D (fbx, obj, 3mf…), que sonores (aac, aif, mp3, wav, wma…), que vidéos (avi, mov, mp4, wmv…). Il offre tant de possibilités qu’il est même possible de l’utiliser comme un petit outil de transcodage.
Un terrain de conception quasi illimité
Une fois les médias importés, les possibilités de traitements sont nombreuses.
Ainsi, au niveau des possibilités graphiques, Powerpoint permet de rogner, redimensionner, intégrer dans des formes, recolorier, effectuer des corrections de flou, luminosité/contraste toute image importée. Il peut même détourer et ajouter des effets sur ces objets graphiques. Cela peut dépanner, mais il faut tout de même avouer que ce ne sont pas là ses fonctions cardinales.
S’il peut faire des traitements sur des images bitmap, Powerpoint est avant tout un « Draw », c’est-à-dire un logiciel de dessin vectoriel à l’instar de ses grands frères Affinity Designer ou Adobe Illustrator (il accepte d’ailleurs les copiés-collés directs d’Illustrator). Sa valeur ajoutée se développe donc plutôt dans la création de formes primitives ou complexes qui offre des possibilités de production graphique quasi illimitées depuis la réalisation de mindmapping jusqu’à l’illustration en passant par toutes sortes de schémas techniques et autres infographies.
Curiosité à mi-chemin entre le « paint » et le « draw », l’onglet Dessin héberge une petite panoplie de crayons et de stylos. À condition d’utiliser une petite tablette graphique, il est possible de dessiner à main levée notamment avec l’outil crayon dont le rendu est très réaliste (idéal pour le Sketchnote pédagogique). Ceux qui ne savent pas dessiner peuvent importer une photographie en arrière-plan et repasser certains traits avec l’outil crayon : bluffant !
Mais le vrai plus de cet onglet Dessin, c’est l’outil Revoir. Celui-ci permet – comme son nom l’indique – de revoir automatiquement le dessin se construire du début à la fin à la façon d’un timelapse. Lorsqu’on sait que cette fonction peut se dompter via l’onglet Animation, on comprend rapidement que l’outil peut nous permettre de réaliser des vidéos d’animations de tableau blanc (mais sans la grosse main qui ne sert à rien 😊) à la façon d’un Powtoon ou d’un Videoscribe.
Au rayon du graphisme, comment ne pas citer l’incroyable possibilité de traitement des objets 3D permettant ainsi de créer de véritables visites virtuelles que l’on peut même rendre interactives si on le souhaite.
Enfin, l’outil regorge de petites fonctions bien pratiques comme la possibilité de combiner des formes entre elles, de réaliser des captures d’écrans, de créer des albums photos ou de permettre l’accès à des banques d’images et de pictogrammes riches et de bonne tenue.
Concernant le texte, les possibilités d’édition restent classiques mais exhaustives. On regrettera cependant que le logiciel ne gère pas les coupures de mots rendant quasi-impossible une justification à gauche et à droite d’un texte sans création de « lézardes » inesthétiques. Mais une fois qu’on le sait, on fait avec. On saluera en revanche l’outil Équation qui, s’il ne rivalise pas avec celui d’Adobe Framemaker, reste très honnête pour produire des contenus scientifiques.
Pour la production sonore, Powerpoint permet de lancer et de synchroniser un ou plusieurs sons sur chaque écran. Il est également possible de faire courir un ou plusieurs sons sur plusieurs diapositives. Le traitement de chaque son est en revanche limité au cut de début et de fin. Il est malheureusement impossible de couper une portion de son au milieu d’une séquence à moins de dupliquer le son mais cela peut devenir rapidement lourd et fastidieux.
Amusant : les sons peuvent être déclenchés par des clic sur des objets graphiques ou par des animations. Cela ouvre de nombreuses perspectives au-delà « de la boite à coucous », comme la réalisation de récits illustrés et autres bandes dessinées pédagogiques interactives.
Intérêt de Powerpoint en la matière : il offre des outils internes d’enregistrement du son, ce qui permet par exemple d’enregistrer une voix off sans passer par un logiciel spécialisé. Si le micro est bon, la captation est de qualité et le son apparaît directement sur l’écran. Si on le souhaite, il est ensuite possible de l’exporter au format m4a hors du logiciel pour sauvegarde, traitement ultérieur, ou diffusion, par exemple, sous la forme d’un podcast de formation.
Côté vidéo, les possibilités d’éditions sont également réduites au cut de début et de fin. Mais le logiciel offre tout de même des fonctionnalités surprenantes comme de mettre une vidéo en défonce dans un texte ou une forme, ou de se capter en train de commenter chaque diapositive (uniquement pour PC). Un atout réel pour produire un gros volume de ressources pédagogiques vidéos augmentées de motion design.
Ajoutons enfin que l’ensemble de ces ressources multimédias peuvent être mises en mouvement ou rendues interactives de façon très complète. Les déclenchements d’actions au survol de la souris sont cependant assez limités mais nous les déconseillons de toute façon, notamment dans le contexte de l’accessibilité.
À ce sujet, Powerpoint embarque un volet Accessibilité qui offre un diagnostic des « erreurs » en la matière : peu de logiciels en sont équipés.
De multiples produits de sortie : de l’image au rapide e-learning en passant par la vidéo ou le PDF
Au niveau de l’output, les fonctionnalités d’export proposées par le logiciel sont également très riches puisque qu’on peut générer des images (jpg, png, gif et gif animé), du son (m4a mais malheureusement pas de wav ni de mp3 : c’est un manque qui peut être dépassé en exportant au format mp4 et en transcodant par la suite avec un logiciel tiers) et de la vidéo (mp4). Le fichier peut également être imprimé au format PDF (qui – dit au passage – garde l’information des liens créés dans Powerpoint). Il peut enfin être consulté au format diaporama natif de Powerpoint (ppsx).
À cet inventaire très complet, il manque toutefois l’essentiel : l’export de packages SCORM ou au format HTML. Dans ce domaine, Powerpoint a « régressé » puisqu’il disposait de ces fonctionnalités à certains moments de son histoire (il les gérait plus ou moins correctement, il faut le reconnaître).
Donc, pour diffuser un fichier Powerpoint sous la forme d’un module e-learning ou rapid e-learning, il faut utiliser d’autres logiciels. Par exemple, les suites iSpring ou Articulate Studio 360 offrent cette possibilité. Attention cependant, un fichier Powerpoint qui a vocation de devenir un module e-learning via ces logiciels tiers ne doit pas être produit tout à fait de la même façon, notamment au niveau de l’import des médias.
Un logiciel utile pour tous les profils de concepteurs, de l’occasionnel au designer expérimenté
Ce panorama rapide mais non exhaustif des fonctionnalités de Powerpoint montre bien toutes les possibilités qu’un concepteur pédagogique peut en tirer.
Pour le concepteur occasionnel, Powerpoint peut à lui seul faire face à toutes les situations pédagogiques tant au niveau de la conception de ressources digitales de formation proposées à la consultation en asynchrone, qu’au niveau de l’outillage de formations en présentiel ou en classes virtuelles car, nous avions omis de le rappeler, Powerpoint sert aussi à faire des diaporamas.
Pour le concepteur intermédiaire, il est le complément idéal à d’autre logiciels d’intégration. Dans ce contexte, il sera plutôt sollicité au niveau de la création et du traitement des médias. Nous l’utilisons par exemple de façon très performante pour alimenter des modules réalisés avec Articulate Rise. Il permet de nourrir ce dernier en images, diaporamas et petites vidéos explicatives. De quoi réaliser des ressources de très bonne tenue avec peu de moyens.
Pour le concepteur chevronné, Powerpoint reste une très belle boite à outils multifonctionnelle et multimédia dans laquelle il peut piocher en fonction des besoins. Dans ce cas, Powerpoint est un peu le Leatherman de la conception pédagogique : on ne refait pas sa maison avec mais c’est bien de l’avoir toujours sur soi.
Un logiciel largement partagé, idéal pour le travail d’équipe
Dans tous les cas, Powerpoint dispose d’un avantage unique : il est largement partagé et plus ou moins connu d’un grand nombre de collaborateurs y compris de métiers très éloignés de la conception pédagogique. De fait, c’est l’outil idéal, à la fois pour travailler et échanger avec des experts dans le contexte d’une capture de savoirs et à la fois pour partager l’effort de production.
Ce dernier point est crucial car c’est un moyen d’éviter le principal écueil des studios de production pédagogiques internes : la congestion. En effet, tous les collaborateurs ne peuvent pas disposer d’une Creative Cloud d’Adobe sur leur poste de travail, ni faire l’investissement d’un apprentissage long sur ces logiciels, mais un très grand nombre dispose de Powerpoint et peut passer un peu de temps pour améliorer leur pratique sur ce dernier.
Le vilain petit canard deviendra-t-il le cygne de la formation multimodale du futur ?
Un peu d’anticipation pour terminer. Jusqu’alors la ressource digitale de formation, qu’elle soit pour outiller des situations de formation synchrones ou asynchrones, était réalisée dans une perspective d’édition, c’est-à-dire comme un produit fini qu’il ne fallait surtout pas que l’apprenant puisse modifier. Les temps changent et la formation laisse à présent une large part à l’activité individuelle et collective des apprenants dans une logique de co-action et de co-production des savoirs.
Dans ce cadre, en rebondissant sur les propos de Marcello Vitali-Rosati, nous pourrions envisager l’évolution de cette logique d’édition vers une logique d’éditorialisation de la formation.
Pour lui, « le processus d’édition est défini dans le temps : l’édition s’arrête au moment de la publication, ensuite le contenu est figé. Dans le cas de l’éditorialisation le processus reste toujours ouvert : on continue à modifier, à reprendre, à retoucher et à disséminer le même contenu. »
Dans une telle dynamique, Powerpoint pourrait devenir l’outil idéal pour mettre en œuvre ce processus d’éditorialisation dans un contexte de formation multimodale. Un fichier Powerpoint, distribué aux apprenants au démarrage d’une formation présentiel ou partagé sur les réseaux dans le cadre de sessions à distance ou AFEST pourrait fournir à la fois une base initiale de contenus, l’illustration de la démarche méthodologique et chronologique de la formation (le fil rouge de la formation) et des espaces de prises de notes et d’échanges, ainsi que des espaces de remontées d’informations via des formulaires embarqués.
Ainsi, grâce à sa polyvalence, Powerpoint deviendrait la main armée pour créer de nouvelles formes d’objets d’apprentissage, réellement orientés vers l’activité de l’apprenant, l’invitant à produire ou co-produire le savoir de façon individuelle ou collective.