Le projet DEFFINUM PassAfest a démarré en septembre 2022. Il vise à faciliter l’accès à une certification pour les salariés en poste, afin de les aider à faire reconnaitre les compétences professionnelles qu’ils exercent au quotidien. À date, près de 150 agents des services hôteliers de DomusVi ont été certifiés, ou sont en cours de certification, au titre professionnel d’Agent de Service Médico-Social (ASMS), de niveau 3, délivré par le Ministère du Travail.
Christine Vincent, chef de projet PassAfest chez DomusVi, et Virginie Andreu-Lassalle, Directrice de programmes à l’Afpa, font le retour d’expérience de ce projet très innovant, après un peu plus d’un an de déploiement. Elles nous décrivent le contexte, les enjeux, les réussites et difficultés rencontrées et surtout les solutions pour les dépasser.
C-Campus : Quelles sont les origines du projet PassAfest ?
Virginie Andreu-Lassalle – Afpa : Le projet PassAfest s’inscrit dans le cadre de l’appel à projet DEFFINUM lancé par l’Etat au lendemain de la crise sanitaire. Il a pour but d’inciter entreprises et organismes de formation, à développer les pratiques de formation digitales et plus globalement, l’innovation en pédagogie.
A l’Afpa, nous avons saisi immédiatement les opportunités offertes par ce projet DEFFINUM : Imaginer une nouvelle voie pour combiner les avancées de la loi Avenir professionnel de 2018, avec l’introduction d’une nouvelle modalité pédagogique (l’Action de Formation En Situation de Travail – AFEST), l’intégration du digital et l’accompagnement à distance, dans un dispositif pour l’obtention d’un titre professionnel.
Christine Vincent – DomusVi : Nous avions déjà débuté une première expérience de FEST en 2021. Ce projet représente une réponse aux problèmes de tension sur les métiers du grand âge, permettant la professionnalisation et la fidélisation des collaborateurs. Sur le pilier social, DomusVi s’engage pour valoriser les compétences et l’engagement de chacun : #un emploi #des compétences #une qualification (diplôme ou titre).
Ce projet engage DomusVi dans l’évolution vers l’entreprise apprenante de demain, une entreprise où chacun apprend d’autrui et grandit avec le collectif, une entreprise performante, qui sait anticiper et s’adapter aux évolutions du marché, stimuler la créativité et l’esprit d’initiative de ses collaborateurs, attirer et fidéliser les talents.
Comment a été mis en œuvre le projet PASS’AFEST ?
Christine Vincent – DomusVi : Après la signature de la convention de financement fin 2022, le projet a véritablement démarré avec la formation par C-Campus, de l’équipe projet conjointe Afpa et DomusVi. Nous nous sommes approprié les particularités de ce projet : conduire, par le biais de cette formation en AFEST, vers une certification.
Virginie Andreu-Lassalle – Afpa : la démarche d’AFEST nous a permis de « traduire » le titre professionnel d’ASMS en 9 Situations de Travail Apprenantes dites « STA », au sein des établissements de DomusVi. Nous sommes allés sur le terrain avec l’équipe projet DomusVi et nous avons analysé le travail réel à partir d’interviews et d’observations.
Christine Vincent – DomusVi : Pour chacune des STA (Situations de Travail Apprenantes), nous avons créé des outils spécifiques destinés à développer la réflexivité amont et aval et l’autonomie de l’apprenant : vidéos en motion design sous la forme de questionnements, carnet de réflexivité et carnet de repères.
Une de nos spécificités était d’avoir des apprenants sur l’ensemble du territoire. L’équipe projet DomusVi a positionné des coordonnateurs AFEST en région, chargés de l’animation et du suivi des accompagnateurs AFEST. Le titre ASMS étant récent, peu de pairs étaient titrés. Nous avons dû adapter le profil des accompagnateurs AFEST en faisant appel à leur manager.
Pouvez-nous nous décrire l’originalité de la démarche de formation ?
Virginie Andreu-Lassalle – Afpa : Nous avons imaginé un parcours de formation combinant à la fois l’AFEST, le digital learning et un accompagnement individualisé par une formatrice Afpa. Ce que nous pourrions appeler « AFEST- digitalisée – certifiante ». Nous avons pu expérimenter le passage à l’échelle en combinant des logiques de formation à la fois standard (tous les outils sont communs, tout le process est identique, les ressources pédagogiques digitales sont en libre accès pour tous les candidats) et sur-mesure (chaque apprenant suit son propre parcours avec un formateur dédié) et dans un dispositif avec des entrées-sorties permanentes.
Christine Vincent – DomusVi : Pour des raisons organisationnelles, les accompagnateurs AFEST et les candidats sont du même établissement. Un positionnement est réalisé à l’aide d’un questionnaire suivi d’un entretien. A cette occasion, le parcours est adapté au profil de la personne. En fonction du niveau d’expérience et de connaissance, les candidats ont entre 5 et 9 STA (Situation de Travail Apprenante) à réaliser et leur parcours s’étale sur une période de 15 à 17 semaines.
Virginie Andreu-Lassalle – Afpa : l’originalité du parcours est aussi l’intégration du digital dans les étapes de l’AFEST et le soutien méthodologique pour obtenir un titre :
- Préparation de la mise en situation professionnelle avec des vidéos en ligne guidant le questionnement, qui invite les apprenants à réfléchir sur leurs pratiques (réflexivité amont) et à l’inscrire dans leur carnet de réflexivité.
- Carnet de repères pour guider l’accompagnateur AFEST lors des entretiens réflexifs aval.
- Appropriation des connaissances à maîtriser (concepts, notions, règles, vocabulaire) en autonomie via le E-Campus de DomusVi, la plateforme sur laquelle se trouvent les micro-learnings (5 à 15’ chacun).
- Passage des ECF (Évaluations en Cours de Formation) à distance avec une formatrice Afpa, qui amène les candidats à verbaliser et conscientiser leurs pratiques, et à faire les liens avec les notions, concepts, méthodes du métier qui seront évalués lors de l’examen de certification.
Quel bilan tirez-vous de cette première année de déploiement ?
Christine Vincent – DomusVi : c’est avant tout un succès qualitatif. Sur plus d’une centaine de personnes rentrées dans le dispositif, nous avons à date un taux de réussite de plus de 96%. Nous sommes très fiers de noter un très faible taux d’abandon en cours de formation. C’est la preuve que l’originalité pédagogique répond parfaitement aux attentes et besoins des apprenants.
Virginie Andreu-Lassalle – Afpa : pour comparaison, le taux d’obtention du titre était, toutes voies confondues, de 81 % en 2023. Nous faisons donc la preuve que cette modalité pédagogique est parfaitement adaptée. Ce n’est pas nouveau pour l’Afpa, qui a depuis sa création toujours organisé les formations en situation réelle, au sein d’ateliers de formation reproduisant la réalité des entreprises. Ce projet nous a permis de montrer que c’était aussi possible au sein des entreprises, sur le lieu de travail des apprenants et apprenantes. L’autre point positif est la satisfaction des candidats. Ils ont gagné beaucoup dans leur niveau d’agentivité. Pour l’anecdote, mais qui est très révélatrice, une candidate nous a dit par exemple, qu’elle voulait passer le permis de conduire alors qu’elle ne s’en sentait pas capable avant.
Christine Vincent – DomusVi : on peut rajouter qu’environ 20% des personnes certifiées en 2024 sont engagées dans la poursuite d’études notamment vers la certification d’aide-soignante. Du point de vue managérial, il est à retenir que les premiers retours sont très positifs. Ils notent une vraie montée en compétences des candidats. Et également, effet secondaire du dispositif, des transformations dans les postures des accompagnateurs AFEST, qui ont changé leurs propres pratiques managériales grâce à ce qu’ils ont appris à travers les techniques de réflexivité.
Virginie Andreu-Lassalle – Afpa : enfin, dernier point positif, on a constaté un usage très élevé des outils numériques. Les candidats étaient autonomes pour apprendre via les micro learnings accessibles depuis leur smartphone, quel que soit leur niveau d’études préalable et leur maitrise de l’écrit en français.
Christine Vincent – DomusVi : un tout dernier point : les managers nous ont remonté que les candidats ont aussi introduit de nouvelles façons de faire et de voir le métier. Ils ont questionné le management intermédiaire, les collègues, et diffusé en interne des bonnes pratiques. Le développement des compétences dépasse le cadre des personnes inscrites dans le dispositif et irradie au sein des structures.
Avez-vous constaté également des points d’amélioration ?
Virginie Andreu-Lassalle – Afpa : Pour compléter, dans le retour d’expérience, on a constaté que notre nouvelle approche pédagogique venait heurter certaines représentations de la formation auprès des opérationnels. Cela fait près de 50 ans (depuis la loi de 1971) que se former, c’est partir en formation. C’est quitter son poste, être pris en charge par un organisme de formation et revenir avec de nouvelles compétences. Or, dans notre cas, la formation se déroule sur le lieu de travail. Et pour le manager, il faut prendre en charge l’organisation dans les plannings, pour l’apprenant et l’accompagnateur AFEST. C’est une nouvelle contrainte mais cela ouvre de nouveaux horizons sur le rôle des managers et la capacité à faire monter en compétences les équipes, en visant des diplômes et certifications reconnues dans la profession.
Christine Vincent – DomusVi : Rien n’est parfait et comme pour tout projet nous avons identifié des difficultés. La plus importante, c’est la montée en charge. Nous espérions beaucoup plus de candidats et candidates. Le déploiement a eu lieu sur une période chargée pour les équipes et le management. La formation est parfois passée au second plan dans l’ordre des priorités.
Un premier obstacle est celui de la place de la formation, de son coût et de son organisation par le terrain. Avec l’AFEST, la formation est réalisée par les acteurs de terrain, cela représente un changement de paradigme pour les structures. Les temps dédiés à la formation par l’apprenant et son accompagnateur peuvent sembler importants dans une organisation déjà très contrainte par le contexte. Une vision à moyen terme peut permettre d’éviter cet obstacle, dans une logique d’investissement et de démarche qualité.
Un second obstacle est celui de l’appropriation de cette nouvelle posture d’accompagnement des apprentissages, très différente du tutorat.
Un dernier obstacle est celui de la compréhension de la spécificité de la réflexivité, cœur de l’AFEST. L’équipe projet DomusVi vient de réaliser un film très didactique qu’elle diffuse auprès des différents acteurs, pour qu’ils comprennent en quelques minutes à travers la démarche réflexive vue par un apprenant, ce que cela implique.
Et, enfin, nous avons décidé en fonction des contextes locaux, de reprendre en central, une partie de la coordination régionale des parcours, en vue de sécuriser les démarrages et les déroulements des parcours.
En conclusion quels enseignements tirez-vous de ce magnifique projet d’AFEST certifiante utilisant grandement les outils de digital learning ?
Virginie Andreu-Lassalle – Afpa : A titre personnel, cela a été une très belle aventure humaine. L’équipe de départ est toujours la même et des liens se sont tissés dans le travail. On a beaucoup appris ensemble. A titre professionnel, c’est sûr que nous avons aujourd’hui la preuve que Digital Learning + AFEST + Formatrice + Titre Pro est un combo gagnant en termes d’efficacité pédagogique. A condition d’y mettre les moyens et d’avoir une équipe projet solide.
Christine Vincent – DomusVi : Je rejoins Virginie sur l’aventure humaine que représente ce projet. Essayer ce parcours de formation hybride, c’est l’adopter ! Tous les acteurs et les établissements qui se sont engagés sont très satisfaits de ses modalités pédagogiques.
Ce projet a permis à DomusVi d’acquérir une expertise et de développer son agilité dans le déploiement de formations certifiantes. L’objectif est de construire sur le même modèle pédagogique des formations sur mesure, dans une logique de parcours évolutif pour les collaborateurs présents et futurs.
Enfin, comme pour les projets d’envergure nous sommes convaincus de l’importance d’avoir le soutien en interne de la direction générale pour se lancer dans une aventure de cette nature. Nous avons la chance d’avoir ce soutien.
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