Le titre de notre article peut paraître saugrenu. Comment un blog comme celui de C-Campus, organisme de formation de formateurs créé il y a plus de 15 ans, peut-il encore se poser la question ? Rassurez-vous, nous connaissons un peu notre métier !
L’idée de cet article nous est venu à la suite de tout ce que l’on a pu lire sur, ou tester avec, ChatGPT depuis la fin de l’année dernière. N’ayez crainte, nous n’allons pas vous asséner notre vérité concernant l’épineuse question de savoir si une “intelligence artificielle” de type ChatGPT est le meilleur ami ou au contraire le meilleur ennemi du formateur !
Nous avons tout simplement envie de vous redire dans cet article, ce que nous croyons être l’essence du métier de formateur / formatrice ? Vous êtes assez grand pour juger de l’intérêt de cet outil qui défraie la chronique. Et si vous ne l’êtes pas (pardonnez-nous d’être un peu provoc’ !) il ne vous restera plus qu’à faire un prompt à ChatGPT.
Former, c’est d’abord comprendre !
Soyons clair, pas comprendre le contenu, pas ce que l’on croit devoir expliquer. Ça, espérons que c’est acquis ! Non, on veut dire plutôt : “comprendre l’apprenant”. Ce qu’il maîtrise déjà et ce qui lui reste à maîtriser. Ce qu’il a compris et ce qu’il n’arrive toujours pas à comprendre et pourquoi.
Mais aussi plus globalement, ce qu’il cherche au travers de sa formation et pourquoi il la suit. Comment il aime apprendre et par quel moyen ? Quelles sont ses contraintes pour organiser son apprentissage et quelles ressources a-t-il à sa disposition ?
Bref, s’intéresser à l’apprenant en tant que personne, à son parcours, à ses désirs d’apprendre, plutôt que de l’appréhender comme de la “data” et mesurer quand, où et comment il pu cliquer sur le LMS !
Former, c’est ensuite faire s’interroger !
Nous disons bien « faire s’interroger », et non pas “interroger”. Ça, on le laisse au prof’ le jour de l’oral du bac. Faire s’interroger, c’est amener l’apprenant à prendre conscience de ce qu’il sait et de ce qu’il ne sait pas. Des chemins par lesquels il devra passer pour apprendre. Des efforts qu’il devra consentir, pour acquérir ce qu’il souhaite acquérir.
Former, c’est encore débloquer !
Débloquer, pas au sens du langage familier de “divaguer ou déraisonner”, c’est-à-dire parler dans le vide, comme peuvent le faire souvent ces pseudos formateurs qui ânonnent devant leur diaporama des vérités éculées (et le plus souvent d’ailleurs des fausses vérités !). Non, plutôt au sens premier du terme « débloquer », à savoir : « remettre en marche, en mouvement » l’apprenant, pour lui permettre de sortir d’un moment de doute, d’incompréhension, de confusion dans son esprit ou d’un moment d’interrogation sur la meilleure façon de s’y prendre.
Former, c’est surtout aider à s’auto évaluer !
Pas d’évaluer vous-même l’apprenant en lui mettant des notes, ni même en faisant des feed-backs, façon “feed-back managérial” en trois temps : d’abord, un bon compliment pour qu’il vous écoute, puis une bonne critique pour le remettre dans le droit chemin, et enfin un petit encouragement pour qu’il ne désespère pas et ne vous en veuille pas trop !
L’aider à s’auto évaluer, c’est plutôt créer les conditions pour qu’il puisse par lui-même, évaluer sa performance. Par exemple en lui proposant des mises en pratique et de réfléchir sur ce qu’il va faire et a fait. Le plus souvent, le formateur n’a rien à dire ou à faire, si ce n’est le questionner. Sauf exception, l’apprenant sait quand il progresse et quand il est en difficulté.
Former, c’est aussi challenger !
Pas mettre la pression, ni mettre à l’épreuve, ni sanctionner ou corriger, comme on vient de le voir précédemment. Heureusement tout ceci est fini depuis longtemps ! La pédagogie de l’effort a laissé place à une pédagogie positive. Mais la pédagogie positive, ce n’est pas non plus le monde des bisounours. Former en étant guidé par des principes de pédagogie positive, c’est concrètement proposer des activités pédagogiques parfaitement calibrées : des exercices, mises en situation, quiz, jeux de rôles… ni trop durs, ni trop faciles (la fameuse règle des 70% de réussite !).
Ainsi l’apprenant va être amené à sortir de sa zone de confort. Il va évoluer dans sa “Zone Proximale de Développement” chère à Lev Vitgosky. Et l’on sait bien depuis les travaux du couple Bjork, que proposer des « difficultés désirables », reste un des meilleurs moyens pour renforcer la mémorisation !
Attention ! pour tous ceux qui voudraient rechercher sur internet qui est ce couple Bjork, méfiez-vous : rien à voir avec la célèbre chanteuse islandaise ! Cela reste très inspirant pour tout formateur. Tiens, d’ailleurs il faudrait peut-être tester l’ami ChatGPT pour savoir ce qu’il dit sur les Bjork… En tous les cas, il va falloir soigner son prompt ! Si vous ne savez pas faire, pas d’inquiétude : il existe des formations de formateurs pour apprendre à faire des prompts – désolé, ce genre de formation là, on ne les fait pas chez C-Campus : vous pouvez vérifier ici).
Former, c’est notamment accompagner le transfert !
N’ayez crainte, on ne vous invite pas à faire en sorte que l’apprenant tombe amoureux de vous : ça, on préfère laisser cette variante du transfert à tonton Freud ! Ou au monde de la formation d’hier, celle d’avant #MeToo. Non, on veut parler plus raisonnablement du transfert de connaissances dans le travail quotidien.
Autrement dit, accompagner l’apprenant à traduire ce qu’il a compris dans sa réalité quotidienne. A créer des ponts et des passerelles entre ce qu’il sait et ce qu’il doit faire. A s’adapter in situ à des situations qui ne sont jamais celles que l’on a apprises en formation et avec lesquelles il faut dialoguer, bricoler, voire parfois profiter de leurs complexités, pour explorer de nouvelles voies et inventer de nouvelles façons de faire et de voir.
Et dans le domaine du “transfert”, le formateur peut être d’une grande utilité, simplement en questionnant l’apprenant. Là aussi il ne faut pas, encore une fois, confondre questionnement réflexif et mauvais feedback et encore moins évaluation – voir à ce sujet notre article sur Modelage, Feedback et Réflexivité .
Former, c’est enfin partager sa passion !
Et là aussi nous disons bien « sa passion », pas son expertise ! Pas besoin d’être un professeur Nimbus ou un Géo Trouvetou pour entrer dans la confrérie des formateurs. N’oublions pas que l’élève dépasse souvent le maître. Ce qui ne l’empêche pas de continuer à le solliciter !
Partager sa passion, c’est d’abord aimer son métier ou le domaine dans lequel on forme. Et parce qu’on aime cette matière, on peut, par un phénomène de contagion, partager son enthousiasme, donner envie à l’apprenant d’apprendre à son tour le métier. Et l’apprenant qui apprécie le domaine dans laquelle il apprend, a de meilleures chances de prendre du plaisir à apprendre et, donc, d’apprendre plus facilement. La motivation intrinsèque, rien de tel pour s’engager !
Voilà en résumé, et en 7 points, comment nous voyons notre métier de formateur. Pour le reste, pour les autres fonctions dites aussi « pédagogiques », l’apprenant n’est pas obligé de faire appel à un formateur : il peut acheter des livres, consulter des cours digitaux, visionner des webinaires, questionner Google… et peut-être même faire un prompt à ChatGPT, si le coeur lui en dit ! Mais pour tout ce que l’on vient de présenter, appelez-le comme vous voudrez, l’apprenant aura peut-être besoin, demain comme hier, d’un formateur ou d’une formatrice, d’un facilitateur ou d’une facilitatrice, d’un médiateur ou d’une médiatrice, d’un accompagnateur ou d’une accompagnatrice…