Le blog de C-Campus

3 questions méthodologiques sur l’Approche Par Compétences (APC)

De plus en plus d’école et de CFA nous sollicitent pour mettre en place ou perfectionner leur Approche Par Compétences. Cette démarche pédagogique, aujourd’hui fortement préconisée par les Ministères de l’Education Nationale et de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, est loin d’être novatrice (cf. notre article de synthèse ici). Elle s’inscrit dans une longue tradition du développement des pédagogies finalisées sur le travail, que l’on retrouve dans des différents courants ou démarches méthodologiques. Pour n’en citer que quelques-uns qui nous ont particulièrement inspiré ou auxquels nous avons contribué :

  • Les pédagogies expérientielles théorisées outre Atlantique par des auteurs tels que Daniel A. Kolb (le cycle de l’apprentissage expérientiel) ou Donald Schön (le praticien réflexif) ou Chris Argyris (l’apprentissage en double boucle) ou Peter Senge ou I.Nonaka et H.Takeuchi (l’apprentissage organisationnel)
  • La didactique professionnelle avec ses différentes sensibilités et méthodes en France : Gérard Vergnaud, Pierre Pastré, Jean-Marie Barbier, Patrick Mayen…, Pierre Vermesch (« l’entretien d’explicitation), Nadine Faingold (« l’entretien de décryptage »), Yves Clôt (« l’auto confrontation »)…
  • La navigation professionnelle et les travaux sur la compétence collective de Guy Le Boterf,
  • L’AFEST et aujourd’hui la VAE inversée qui intègre l’AFEST comme modalité formative, en vue d’obtenir une certification.

Bien qu’ancienne et d’une filiation très riche, l’APC n’est pas sans poser quelques questions méthodologiques aux équipes pédagogiques qui souhaitent la mettre en place. Nous vous proposons dans cet article d’en aborder 3 parmi les plus courantes. Nous vous en proposerons d’autres dans un prochain article.

Question n°1 : Comment mettre en œuvre l’APC lorsque le référentiel de compétences est mal rédigé ?

La problématique

La question est loin d’être théorique ! Nous y avons été confrontés dans la plupart de nos chantiers. Si on exclue les titres professionnels du Ministère du Travail, qui ont une longue tradition d’une formation orientée « travail » (grâce à l’AFPA, il faut le rappeler), la plupart des instances certificatrices (Ecole, CPNE de Branche, Education Nationale et Ministère de l’enseignement supérieur) rencontrent fréquemment des difficultés dans l’élaboration des référentiels des compétences. France Compétences le constate tous les jours. C’est une des causes majeures de son taux de refus d’enregistrement des dossiers RNCP.

Conséquence : les équipes pédagogiques qui doivent repenser leur référentiel de formation à l’aune de l’APC se retrouvent confrontées, tels des archéologues devant leur découverte, à devoir décrypter ce que signifie l’intitulé de la compétence, et comment la traduire concrètement pour pouvoir l’évaluer en fin de formation.

Les préconisations

Nous préconisons aux équipes pédagogiques que nous accompagnons la démarche suivante :

  • S’approprier le référentiel de compétences en lisant l’intégralité de sa fiche RNCP (Objectifs et contexte, activités visées, compétences visées et modalités d’évaluation). La compréhension globale est importante pour interpréter les chevauchements entre blocs trop nombreux malheureusement et pour donner du sens à certaines descriptions sibyllines.
  • Travailler ensuite par bloc de compétences et interpréter pour chacune des compétences, ce qu’elle signifie concrètement. Pour ce faire, nous invitons les experts à traduire la compétence en “Situation de Travail Emblématique” (STE) en s’aidant des questions suivantes :
    • Comment s’incarne cette compétence ?
    • Comment elle se traduit au quotidien ?
    • On fait quoi concrètement lorsqu’on met en œuvre cette compétence ?
    • Quelles tâches ou situations de travail précises réalise-t-on, quand on met en œuvre cette compétence ?
    • Ou on résout quels types de problèmes ?

Un peu de publicité en passant : découvrez notre offre de formation dédiée aux acteurs de la formation en cliquant ici.

Question n°2 : Comment passer d’une évaluation des connaissances à une évaluation des compétences ?

La problématique

Même s’il va devenir de plus en plus difficile d’évaluer des connaissances avec le développement de l’IA, cela reste in fine pour un enseignant ou un formateur,  toujours plus simple qu’une évaluation des compétences. Comme nous vous l’indiquions dans notre article précédent – cliquez ici pour le revoir, apprécier la maîtrise d’une compétence peut se jouer à travers 5 niveaux et plus particulièrement les trois derniers (évaluation de la performance, de la compétence mise en œuvre et de la compétence réfléchie).

Se pose alors la question de la capacité des enseignants, à la fois à concevoir des protocoles d’évaluation pertinents et à les mettre en œuvre.

Les préconisations

La solution passe inévitablement par la formation des formateurs et enseignants car savoir élaborer et mettre en œuvre des protocoles d’évaluation des compétences ne s’improvise pas. Cela nécessite de savoir bâtir et animer trois types principaux d’épreuves :

  1. Epreuve centrée sur les livrables pour évaluer la “performance” : pertinence des productions demandées (le livrable permet-il de révéler la compétence), consignes claires, grille d’analyse de la production, etc.
  2. Epreuve centrée sur la “compétence mise en œuvre” ou “observée”: bâtir une simulation pertinente et sa grille d’observation critérisée, adopter la bonne posture pendant la mise en situation, formaliser et argumenter son évaluation, etc.
  3. Epreuve centrée sur la compétence « réfléchie », dite aussi verbalisée par l’apprenant  : choisir la technique la mieux adaptée aux contextes et objectifs : ex. instruction au sosie, analyse de pratique à partir d’une simulation, entretien d’explicitation, entretien de décryptage, entretien d’auto-confrontation, entretien technique, rapport de stage, auto-bilan des acquis, etc. Puis mettre en œuvre la technique choisie en adoptant la bonne posture d’évaluation et les bonnes questions à utiliser (questionner pour faire dire la compétence nécessite des outils relativement pointus !).

Question n°3 : Quoi faire des connaissances fondamentales et des soft skills dans le cadre d’une APC ?

Par définition, l’Approche Par Compétences est centrée sur les situations de travail. Les connaissances fondamentales et les soft skills ne sont que des ressources à mobiliser pour réussir en situation professionnelle. Certains formateurs et enseignants de matières générales ou de disciplines fondamentales (par exemple, le droit, les arts, la psychologie ou la sociologie) craignent alors une disparition à terme de leurs heures de cours, si l’APC est déployée.

En fait, il n’en est rien. Les connaissances fondamentales et les soft skills ont toute leur place dans une approche APC. Elles sont justes mobilisées et organisées différemment.

  • Dans une approche classique par discipline, les programmes sont architecturés par discipline. Il revient ensuite aux apprenants, livrés à eux-mêmes, de traduire ces acquis des disciplines, en ressources mobilisables dans l’action afin d’être efficace au travail. (voir notre article sur une critique de ce modèle que nous qualifions de T.M.A – cliquez ici).
  • Dans une approche APC, les parcours de formation sont bâtis autour des situations de travail auxquelles seront confrontés les futurs professionnels. Regroupées par famille, cela donne les fameux “blocs de compétences”. Et les apprentis professionnels devront amener la preuve qu’ils les maîtrisent au cours de leur formation, pour valider leur certification. Mais pour produire ces preuves de maîtrise des compétences, il va de soi que les candidats devront mobiliser des connaissances fondamentales et des soft skills. Donc, les connaissances et soft skills ne doivent plus être gérées à part, mais intégrées dans les évaluations et donc être à un moment du parcours, acquises et évaluées. Reste à savoir comment faire ? Et il peut y avoir des exceptions !

Les préconisations

Plusieurs pistes peuvent être investiguées pour traiter des connaissances fondamentales et les soft skills dans le cadre de parcours de type APC. Le choix dépendra du contexte pédagogique et de la nature de la connaissance fondamentale ou du soft skill à acquérir.

  • Piste 1 : L’évaluation par les pré-requis

Les connaissances fondamentales ou les soft skills sont considérés comme un pré-requis. Ils sont évalués à l’entrée de la formation via un positionnement. Seuls les apprenants qui les maîtrisent peuvent suivre le parcours. Et au cours de leur parcours, ils mobiliseront ces connaissances fondamentales et ces soft skills pour réussir les situations professionnelles qui leur seront proposées, mais ils ne seront plus forcément évalués.

Cette approche “par les pré-requis” est à privilégier pour les derniers niveaux d’étude ou pour les formations dites de « spécialités ».

  • Piste 2 : l’évaluation intégrée

Les connaissances fondamentales et les soft skills sont dans ce cas évaluées à travers les compétences.

Prenons l’exemple d’une formation destinée à des chefs de projet marketing. Pour valider la compétence « Concevoir le plan de marketing / communication de l’entité cliente », le candidat devra à la fois mettre en œuvre une méthodologie propre à l’élaboration d’un plan de marketing / communication mais aussi déployer un savoir-faire en matière de chef de projet puisqu’il travaille rarement seul pour le faire. Si on considère que ce savoir-faire est intégré à la compétence, on le considérera comme une ressource qui pourra être acquise via n’importe quelle modalité de formation (présentiel, distanciel, auto-formation ou AFEST) et on l’évaluera notamment à travers l’épreuve permettant de valider la compétence « concevoir un plan marketing / communication ». Par exemple, par l’intermédiaire d’une analyse réflexive produite par le candidat sur son expérience de conception de plan marketing / communication.

Cette approche “évaluation intégrée” est à utiliser quand la connaissance fondamentale ou le soft skill est mineur, au regard de la compétence à évaluer ou qu’il est “transverse” à différentes compétences et qu’on peut l’évaluer partiellement à travers chacune des compétences.

  • Piste 3 : l’évaluation autonome

Dans ce dernier et troisième cas, on va privilégier une évaluation autonome de la connaissance fondamentale ou du soft skill car ils sont loin d’être mineurs (à l’inverse du cas précédent) et ne sont pas forcément non plus un pré-requis (comme dans la piste n°1).

Pour les soft skills qui peuvent aisément se traduire en compétence observable et évaluable, on constituera un bloc de compétences dédié, que l’on qualifiera de “transverse”. Exemple pour notre formation de chef de projet marketing : on créera pour la prochaine mise à jour du référentiel, le bloc de compétences « Piloter et animer en mode projet ». Devenu, bloc ou compétence à part entière, on pourra appliquer l’APC au développement du ou des soft skills mobilisés.

Concernant les connaissances fondamentales, il est beaucoup plus difficile de les transformer en bloc de compétences. Cela devient presque un exercice de style. Nous préconisons donc de continuer à travailler ces connaissances fondamentales comme des ressources et de les évaluer via des outils classiques d’évaluation des connaissances. Les puristes d’APC, y verront peut-être une entorse à la méthode. Mais pour nous, c’est mieux que de voir disparaître des pans entiers de connaissances fondamentales qui font la différence en situation professionnelle, au seul prétexte qu’ils ne rentrent plus aisément dans les référentiels de compétences !

Prenons l’exemple, d’un savoir fondamental de formateur, tel que la connaissance des concepts et courants de la pédagogie, une ressource indispensable pour bâtir des dispositifs de formation et faire des choix pédagogiques pertinents. Il est difficile de le traduire en compétence transversale et de l’évaluer directement via des situations professionnelles. Faut-il alors supprimer ce savoir fondamental de tout programme de formation de formateurs ou d’ingénieur pédagogique ? Certainement pas. Dans un parcours de formation de formateur, on pourra le considérer comme une ressource qui pourra être acquise via n’importe quelle modalité (cours digital, présentiel ou distanciel) et que l’on évaluera par exemple, via une note de synthèse à produire par les apprenants.

Petite page de pub… si vous rencontrez quelques unes de ces problématiques ou d’autres pour mettre en place votre démarche APC, contactez-nous pour un accompagnement personnalisé et la formation de vos équipes pédagogiques – conseil@c-campus.fr .

 

Marc Dennery

Marc Dennery

The selected Optin Cat form doesn't exist.
Abonnez-vous à notre newsletter