Il y a tout juste deux ans, le 14 décembre 2013, les partenaires sociaux concluaient leur marathon de 40 heures de négociation par l’accord national interprofessionnel “relatif à la formation professionnelle”. Accord, qui allait donner la loi du 5 mars 2014. 24 mois plus tard, le bilan est mitigé mais les changements sont peut-être plus profonds qu’on ne le croit.
Le CPF, l’arbre qui cache la forêt de la réforme
Tout le petit monde de la formation s’est focalisé sur le CPF. Il faut dire que son démarrage fut des plus laborieux. Depuis la rentrée, ce dispositif semble entrer dans son rythme de croisière. Et finalement qu’apporte-t-il de si nouveau par rapport au DIF ? Depuis que les formations bureautique et en langues sont reconnues à l’inventaire des certifications, le CPF s’est DIFisé.
Certes, il est beaucoup plus orienté vers les demandeurs d’emploi (78% des bénéficiaires), certes, il est beaucoup plus complexes à mettre en oeuvre, mais à l’instar du DIF, il bénéficiera probablement beaucoup plus aux cadres et techniciens des grandes entreprises qu’aux opérateurs et employées des TPE-PME. Car les premiers sauront mieux se retrouver dans les dédales des listes et des conditions de prise en charge pour financer leur montée en compétence en langues, en bureautique et en expertise dans des fonctions supports.
On n’a encore rien vu…
L’impact de la réforme ne se résume pas au seul CPF. Le vrai changement est ailleurs. Et pour l’instant encore masqué par l’inertie naturelle du système de formation.
La réforme présente un cocktail explosif : la fin de l’obligation fiscale, la redéfinition des missions des OPCA, l’élargissement de la notion d’action de formation à la FOAD (formation ouverte et à distance) et à la FEST (formation en situation de travail) et enfin l’orientation des fonds vers les actions de formation qualifiantes et les organismes de formation labellisé (décret qualité du 30 juin 2015).
A cela s’ajoute la digitalisation de la formation et des besoins en compétences qui n’ont jamais été aussi importants. Résultat, les changements à venir pourrait être d’une violence sans précédent.
5 conséquences majeures à venir
Nous entrevoyons 5 évolutions majeures à moyen terme :
- Les formations classiques (stages de confort et de maintenance des compétences) vont sensiblement diminuer du fait de la réduction drastique des budgets de formation (toutes les enquêtes récentes le constatent ou le prédisent et notamment celle du GARF),
- Les entreprises vont repenser en profondeur leur approche de la formation : passant d’une formation technocratisée (gérant du stage de formation) à une formation agile mixant MOOC, COOC, SPOC et accompagnement terrain.
- Les OPCA vont investir à la fois le champ de l’accompagnement individuel (les OPACIF auront un temps d’avance dans ce domaine) et le champ du service aux entreprises. Ils vont jouer un rôle déterminant dans la concentration du marché de la formation et la baisse des coûts des prestations.
- Les organismes de formation sont condamnés à se transformer rapidement. Deux voies de survie s’offrent à eux. La course à la taille, d’une part, pour pouvoir lutter face aux régulateurs du marché (OPCA, mais aussi FONGECIF, Pôle Emploi, centrale d’achats de formation…). Et la remontée dans la chaine de création de valeur : de la simple animation de stage à la maîtrise d’ingénierie de parcours multimodaux certifiants.
- Les apprenants vont devoir davantage prendre en charge leur parcours de formation. Pour le maintien de leur compétences, ils auront Google, les MOOCs et les portails de formation. Pour leurs reconversions, ils devront maîtriser toutes les subtilités administratives de ces fabuleux acronymes en trois lettres que sont CEP, CPF, CIF, VAE… !