Former, c’est bien, mais développer le partage des savoirs entre équipiers, inter-service ou unités, c’est encore mieux. Mais comment accélérer cet échange de connaissances ? Comment faire pour que les “grains de savoirs“ passent d’individus à individus, d’entités à entités ? Bref, comment développer les apprentissages informels et fortuits au sein de son entreprise.
Changer les mentalités autour de la formation
Chronologiquement, la première des choses à faire pour favoriser la pollinisation des savoirs est de faire évoluer les mentalités sur la formation. La réforme est un formidable levier pour “déstagifier“ et proposer une nouvelle approche de la formation. La fin de l’obligation fiscale permet de réhabiliter toutes les formes de formation non imputables (formation-action, “On the job training“, apprentissages collaboratifs…). La politique de formation de l’entreprise doit valoriser le “Former autrement“. Direction générale, managers, apprenants doivent être sensibilisés à la recherche de solution originales de développement plutôt que de se limiter à “1 problème de compétence = 1 stage au catalogue de formation“.
Développer une nouvelle culture managériale
La formation ne peut rien si la culture managériale n’évolue pas. Il ne suffit pas de décreter que l’apprentissage passe par le partage d’expérience, la formation rapprochée ou le réseautage pour que tous les collaborateurs deviennent des passeurs de savoirs et que la pollinisation opère. Encore faut-il que la culture managériale privilégie cette nouvelle approche de la formation.
Les cultures favorables à l’apprentissage sont généralement orientées autour de valeurs et principes bien connues :
- Accepter l’erreur et éviter le carcan de la recherche du “Faire bien dès la première fois“.
- Priviligier l’I.C.T.A (j’Intuite, je Conçois rapidement, je Teste, j’Améliore ou j’Abandonne) au sempiternel P.D.C.A (Plan, Do, Check, Adapt).
- Orienter les énergies autant vers l’apprenance que vers la performance, par exemple en fixant et valorisant des objectifs de développement des compétences au même titre que des objectifs d’activité.
- Développer une culture d’entraide, de partage, de collaboration en rémunérant davantage l’atteinte des objectifs collectifs que les objectifs individuels…
- Détayloriser et aplanir les lignes hiérarchiques afin de favoriser la circultation des connaissances et les démarches créatives.
Créer de nouveaux espaces-temps d’apprentissage
La culture manageriale doit se traduire par des mises en oeuvre concrètes en matière d’organisation et de lieux de formation. De nouveaux espaces-temps d’apprentissage sont à créeer venant compléter voire se substituer à la traditionnelle salle de formation : les réunions d’équipe réalisées systématiquement dans des salles de créativité, les briefing animés dans des espaces conçus autour de principes de management visuels, les journées de télétravail dans des lieux de co-working…
Introduire des techniques apprentissages coopératifs
Apprendre, ça s’apprend ! Managers et collaborateurs ne maîtrisent pas forcément toutes les techniques d’apprentissage entre pairs. Faire du co-coaching, animer des ateliers d’échange de pratiques ou de co-développement au sein d’une équipe, réaliser un benchmarking ou encore réussir un “Vis ma vie professionnelle“ nécessitent un véritable savoir-faire. Présenter ces techniques à tous les acteurs, former et outiller des référents qui deviendront en quelque sorte des “agents pollinisateurs“ est indispensable.
Ces référents sont certainement à sélectionner parmi les tuteurs, mentors et formateurs de l’entreprise. Cette population est la cheville ouvrière d’une entreprise favorisant la pollinisation des savoirs.
Organiser les communautés d’apprentissage par fonction
Ces dernières années, toutes les fonctions de l’entreprise ont développé des méthodes, outils, principes d’action, savoir-faire… de plus en plus sophistiqués. Du marketing à la RH en passant par la production, le commercial, la logistique ou les achats aucune n’y a échappé. Résultat des courses, les managers croulent sous le nombre de procédures et d’outils que chaque fonction lui a produit sans avoir pris le soin de les aider à les prendre en main. Les experts ont conçu d’un côté et les managers font ce qu’ils peuvent (ou ce qu’ils veulent le plus souvent) pour survivre !
De temps en temps des formations sont organisées auprès des managers pour aider la prise en main, mais elles passent le plus souvent à côté de leur objectif. Comment s’approprier une nouvelle politique RH ou Achats en une demi journée de formation ou 30′ d’un module E-Learning ?
Afin d’en finir avec ces démarches descendantes, il est possible aujourd’hui d’utiliser les réseaux sociaux d’entreprise comme de véritables outils de partage et d’innovation. Et d’améliorer ainsi sensiblement la qualité de la relation Central-Local / Fonctions supports – Management opérationnel. A condition, bien sûr de respecter quelques règles simples :
- Elargir la communauté d’apprentissage métier à tous les acteurs impliqués (managers et collaborateurs opérationnels) et ne pas la limiter aux seuls collaborateurs de la fonction elle-même.
- Animer la communauté d’apprentissage métier en dédiant une ou plusieurs personnes sur cette mission.
- Accepter la logique du partage et favoriser la communication dans tous les sens descendante, ascendante, horizontale… et pas seulement descendante.
- Valoriser les contributeurs en reconnaissant les bonnes idées (y compris en monnaie sonnante et trébuchante comme cela se fait dans le domaine automobile)
Investir dans les outils collaboratifs sans les sacraliser
Les entreprises ont investi lourdement dans les LMS et autres LCMS. Aujourd’hui, il est temps de s’orienter vers des outils plus légers et surtout mieux intégrés dans les stratégies SI de l’entreprise. Les outils des suites Microsoft (Sharepoint, Yammer, Communicator…) ou Google (Google drive, Hangouts, G+…) peuvent très bien faire l’affaire s’ils sont connus et, surtout maitrisés par l’ensemble des collaborateurs de l’entreprise.
Réorganiser la fonction formation
Une fonction formation orientée “pollinisation des savoirs“ n’a plus grand chose à voir avec une fonction formation dédiée à l’organisation des stages et à l’optimisation des co-financements. Le profil de ses collaborateurs est bien différent. Les compétences administratives, achats, pilotage de projets sont bien moins importantes. A l’inverse, les compétences d’animation (de réseau et d’ateliers – échange de pratiques, retour d’expérience, créativité…) sont à privilégier.
Dans une organisation qui favorise la pollinisation des savoirs, le responsable de formation n’a plus à être rattaché à la DRH. Sa valeur ajoutée est d’optimiser les processus apprenants au coeur de l’activité. Son rattachement hiérarchique est idéalement N-1 de la direction générale. Et si cela ne peut pas être le cas, un rattachement à la direction de la Qualité et de l’Innovation est à privilégier.
Une direction de la formation et de la pollinisation des savoirs doit être “Lean“ : quelques animateurs et chefs de projet et des concepteurs pédagogiques au sein d’une Learning Factory. Le plus important se situe dans les réseaux d’experts, de formateurs, de tuteurs… qu’elle anime.