La transition écologique est un enjeu majeur pour les entreprises aussi bien en termes de RSE que d’efficacité économique. Les fonctions formation ou “L&D” sont directement impactées par cette question. Elles doivent elles-mêmes “produire” des formations à moindre impact environnementaux. Elles s’y sont engagées, presque malgré elles, ces dernières années du fait de la crise sanitaire. Même si depuis début 2022 les entreprises sont revenues progressivement au présentiel, elles ont considérablement réduit les formations hors site et la diffusion des formations en digital learning est restée à un niveau élevé. L’étape d’après sera de réduire l’impact écologique des formations “blended“en rapprochant la formation du poste de travail, par exemple en développant le mentorat, le compagnonnage et évidemment l’AFEST.
Mais là n’est pas l’essentiel pour les directions L&D qui souhaitent prendre à bras-le-corps la question de la transition écologique. Car reconnaissons-le, l’empreinte carbone de la fonction formation reste limitée au regard des autres fonctions de l’entreprise : production, logistique et même marketing et commercial. Le terrain de jeu de la fonction L&D est davantage de mettre en place la meilleure stratégie pour accompagner la montée en compétence des collaborateurs de l’entreprise en vue de réussir la transition écologique. Mais comment peut-elle faire ? C’est l’objet de cet article d’ouvrir quelques pistes en tirant les enseignements du passé.
Trois grandes transformations précédentes
Les entreprises ont déjà vécues au moins trois transformations majeures au cours de ces 50 dernières années :
- La première vague d’informatisation dans les années 1970 / 1980. L’informatique a envahi d’abord la production avec le développement de l’automatisation des chaînes puis la gestion grâce au micro ordinateur, transformant en profondeur les emplois de bureaux.
- Le développement de qualité dans les années 1980 /1990. Sous l’impulsion du modèle japonais de production, la qualité s’est diffusée progressivement à tous les secteurs (le dernier en date est peut-être la formation avec Qualiopi !)
- Le passage à la digitalisation dans les années 2000 / 2010. Avec l’introduction du web, du smartphone, des architectures SaaS… c’est un nouveau monde qui s’est ouvert aux entreprises et qui a transformé et transforme encore quasiment l’intégralité de ses métiers.
La transition écologique pourrait s’apparenter à une quatrième vague et s’étaler sur les années 2020 / 2030. L’enjeu écologique est tel que toute l’entreprise devra s’adapter à son nouvel environnement et devenir éco-responsable. Normes, fiscalité, attentes consommateurs mais aussi actionnaires et salariés vont s’imposer à toutes les entreprises. Celles qui ne satisferont pas les nouvelles exigences risquent de périr comme cela a été le cas dans les transformations précédentes.
Dans les trois transformations précédentes, la fonction formation a toujours été plus ou moins impliquée. Et à chaque fois le scénario s’est déroulé en trois temps. Détaillons maintenant ces trois temps.
Temps #1 : La veille par les promoteurs de la transformation
Dans un premier temps, l’entreprise sent qu’une évolution est en cours mais elle ne sait pas encore comment la traiter. Il n’existe pas d’offre de formation établie. Les organismes de formation ne sont pas toujours prêts à prendre les risques d’éduquer le marché d’où une offre au démarrage plutôt pauvre et peu adaptée aux besoins.
Se former à quoi et pour quoi ? Telle est la question que se posent les innovateurs au sein de l’entreprise. Ces innovateurs sont généralement proches des lieux d’influence au sein de l’entreprise (DG, directions opérationnelles importantes). Et disons-le franchement assez éloignés de la fonction formation qui reste à ce stade fort peu actrice du changement. Alors ils se débrouillent comme ils peuvent.
Les “innovateurs” participent à des colloques, rencontrent des fournisseurs, des consultants, expérimentent des nouvelles approches et capitalisent dessus. L’enjeu de formation réside dans la veille et l’expérimentation par un public encore restreint de promoteurs de la transformation.
A ce stade, la direction formation n’a même pas d’interlocuteurs clairement identifiées, car nous sommes avant la création de la direction fonctionnelle qui va porter la transformation. Eh oui ! sauf exception les DSI n’existaient pas dans les années 1960, ni les directions Qualité dans les années 1970 et mêmes pas les directions de la digitalisation dans les années 1990 (encore que pour ces dernières, elles sont issues le plus souvent justement des DSI créées 20 ans plus tôt).
Concernant la transition écologique, les entreprises, notamment les plus grandes, ont dépassé ce premier temps. Des directions de la transition écologique ou des équipes projets bien staffées, souvent pilotées par des directions de la transformation, sont apparues il y a déjà quelques années.
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Temps #2 : La formation des experts, en parallèle de la sensibilisation de l’ensemble des collaborateurs
Lors de ce deuxième temps, l’entreprise commence à entrevoir la stratégie à mettre en oeuvre. Elle passe du stade de l’expérimentation pour se concentrer sur le déploiement à grande échelle. Deux besoins de formation prioritaires apparaissent :
1- La formation des experts en charge du déploiement
Pour la formation des experts, la fonction formation peut adopter deux stratégies différentes. Soit traiter au cas par cas en inscrivant sur des formations interentreprises les experts de l’entreprise. L’avantage est qu’ils peuvent faire ainsi du benchmarking. L’inconvénient est que l’offre restant encore balbutiante, les formations proposées sont souvent trop généralistes. On a pu le constater notamment lors de la vague des démarches qualité, où l’on formait les experts au Total Quality Management (TQM) ou aux normes ISO 9000 et qui de retour dans leur entreprise avaient énormément de difficultés à mettre en place des démarches qualité simples et efficaces.
La stratégie alternative est de travailler avec des cabinets conseils qui accompagnent les projets et transfèrent leur savoir-faire aux experts internes. Cette approche est évidemment plus efficace. Reste qu’elle nécessite que les cabinets conseils jouent le jeu et transfèrent réellement leur savoir-faire. Pour ce faire, l’appui de la direction formation est indispensable pour faciliter le transfert de compétence via des techniques deformalisation des savoirs, binomage de compétences, mentorat, analyse de pratiques, AFEST… Malheureusement, le réflexe des opérationnels est trop souvent de faire sans elle. Après tout, ce n’est pas de la formation, mais du conseil et la DG a donné le budget pour le financer ! Les directions formation doivent s’imposer auprès de ces directions opérationnelles en faisant la preuve de leur réel savoir-faire dans les techniques d’apprentissage terrain – cliquez ici pour en savoir plus.
2- La sensibilisation de l’ensemble des collaborateurs
Pour la sensibilisation des collaborateurs, le risque de voir la fonction formation écartée est beaucoup moins grand. Et pour cause, il y a des centaines voire des milliers de collaborateurs à former et les questions de logistique se posent avec acuité. L’enjeu de formation est ici de faire prendre conscience de l’importance des changements à venir, de leur aspect inévitable. Et en même temps de rassurer. C’est ainsi qu’on a beaucoup fait de la ludo-pédagogie dans les usines des années 1980/1990 pour faire prendre conscience aux opérateurs et opératrices de production de l’importance de la qualité et de la traçabilité en production. C’est ainsi également qu’on a pu former à comment faire une recherche sur Internet à la fin des années 1990 / début 2020 (si, si votre serviteur a même fait des scénarios pédagogiques très sophistiqués sur la question !)
Concernant la transition écologique, les grandes entreprises semblent être à la fin de cette deuxième phase tandis que les PME et ETI semblent y entrer.
Pour la sensibilisation des collaborateurs, les entreprises ont le plus souvent choisi des solutions comme la fresque du climat. Ce type d’approche semble à la fois ludique, collaboratif et efficace. Et de toute façon l’enjeu de la sensibilisation dans ces grandes transformations reste mineur, même si elle capte une bonne part de l’énergie des directions formations.
Pour la formation des experts, les entreprises semblent cette fois-ci bien mieux préparées à mener des projets de transformation que précédemment. Elles savent mieux capitaliser qu’il y a 20 ans. Le transfert de compétences devrait mieux se passer. Reste que les directions formation ont intérêt à se rapprocher des porteurs de projets pour les aider notamment avec des outils tels que l’AFEST pour formaliser l’expertise et la diffuser progressivement en interne.
Temps #3 : l’accompagnement de l’évolution de tous les métiers
Lors de ce troisième et dernier temps, toute l’entreprise est directement impactée par la transformation en cours. Tous les services sont passés à l’informatique dans les années 1980, à la qualité dans les années 1990 et à la digitalisation dans les années 2010. Tous les métiers se transforment. Chacun doit faire évoluer son métier en intégrant l’innovation. Qui aujourd’hui serait capable de travailler sans informatique ? Quel métier n’est pas impacté aujourd’hui par la digitalisation ?
La fonction formation est alors directement interpellée. On la somme de faire des plans de formation pour accompagner la transformation de tous les emplois. Mais si sa réponse consiste à proposer des formations “catalogue”, elle risque de passer à côté de l’enjeu. Elle trouvera sur le marché des formations à la transition écologique pour manager, pour technicien et même pour communiquant, DRH, qualiticien ou autre fonction de l’entreprise, mais que valent ces formations généralistes pour des transformations de métiers qui restent toujours très contextualisées ?
A ce titre, il est amusant de voir que les pouvoirs publics via le Plan France Relance ne cessent de demander aux opérateurs de formation une offre de formation apte à résoudre tous les problèmes de compétences liées à la transition écologique. Comme s’il suffisait d’inscrire des personnes à des formations, pour qu’ils reviennent et adaptent leurs missions aux nouveaux enjeux !
Il serait bon de retenir les leçons du passé plutôt que d’écouter les pseudos études qui nous rabâchent que tous les métiers vont changer et que les gens vont devenir inemployables. Hier c’était à cause de la digitalisation, aujourd’hui à cause de la transition écologique et demain de l’IA. Soyons sérieux ! Deux tiers, ni même un tiers des métiers ne vont pas disparaître d’ici 2030. Tous les 10 à 20 ans les entreprises vivent des évolutions technologiques et sociales très fortes et à chaque fois elles font évoluer leurs emplois et les collaborateurs eux-mêmes s’adaptent.
Alors c’est vrai, il y a moins de secrétaires aujourd’hui qu’il y a trente ans et réciproquement il y a plus d’informaticiens ou de formateurs. Mais les métiers de manager, de chef de projet, de technicien, d’opérateur, etc. existent toujours. Ils ont intégré l’informatique, la qualité, la RSE, la digitalisation progressivement. Et comment l’ont-ils fait ? Par de la veille, du partage d’expériences, des missions innovantes, de l’appui conseil extérieur, de la formation terrain, un management support et facilitateur… et bien sûr une dose de formation formelle. Mais cette dose de formation est restée et restera toujours limitée (cf. le modèle 70:20:10).
L’enjeu pour les fonctions formation des entreprises qui entrent aujourd’hui dans cette troisième phase du déploiement de la transition écologique n’est pas de sortir un beau catalogue de formation dédié mais de se rapprocher des unités opérationnelles et de les accompagner pour mettre en place des démarches d’organisation ou d’équipe apprenante afin de leur permettre de s’adapter rapidement et durablement à l’évolution de leur métiers.
Pour le reste, les experts de la transition écologique, ils ont déjà été formés en phase 2. S’ils ne l’ont pas été cela ne représentera qu’un nombre restreint de collaborateurs qui viendront staffer la direction de la transition écologique. Et les services formation les gèreront comme ils gèrent depuis des années les collaborateurs de la direction Qualité ou de la DSI : par quelques formations pointues pour les experts du domaine.
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