Alors que les formateurs internes occasionnels ou permanents sont professionnalisés et valorisés depuis plusieurs décennies, les tuteurs et maîtres d’apprentissage manquent encore trop souvent de légitimité et de reconnaissance. Quand les entreprises recrutent des centaines de milliers d’alternants chaque année, seule une partie d’entre-elles (en dehors des grands groupes et des secteurs à forte tradition de compagnonnage) forment, outillent et animent leurs tuteurs et maîtres d’apprentissage dans leur rôle pédagogique. Le tutorat est un peu le « parent pauvre » de la formation en entreprise. Pourtant, ce ne sont pas les défis à relever qui manquent :
Les difficultés récurrentes à recruter, intégrer et fidéliser des nouveaux collaborateurs dans un contexte où de plus en plus de métiers sont en tension,
Les injonctions et incitations des pouvoirs publics, branches et OPCO à former (et désormais certifier) les tuteurs et maîtres d’apprentissages, lorsqu’on embauche des alternants,
Le besoin des jeunes générations de se trouver un « sens au travail » et de rejoindre un « collectif humain » incarné par des tuteurs,
La nécessité croissante de coordonner les apprentissages théoriques en centre de formation, d’une part, et les apprentissages en situation de travail, d’autre part,
La gestion des impacts du choc démographique (du fait des départs massifs en retraite des générations du baby-boom) et des risques de pertes de compétences sensibles, rares ou critiques.
Dans ce contexte, deux bonnes nouvelles :
- Des approches variées apparaissent dans les pratiques de tutorat : chaque organisation peut donc trouver un modèle tutoral adapté. Nous en avons identifié 4 principales que nous vous détaillons ci-dessous. A vous de choisir (avec l’aide des consultants C-Campus si nécessaire !).
- La pédagogie tutorale, axée sur la transmission et l’imitation, peut être revitalisée grâce aux apports de deux approches pédagogiques (le modelage et la réflexivité) particulièrement efficaces et enthousiasmantes, issues des retours d’expérience d’AFEST (cf. ci-après en fin d’article).
Quatre approches possibles pour installer un « nouveau » tutorat…
1. L’équipe tutorale
Constats :
- Les activités professionnelles mobilisent de plus en plus des « savoir-être » ou “soft skills” s’exerçant dans un cadre collectif : celui de l’équipe.
- Le travail devient de plus en plus complexe et le niveau de qualification requis pour occuper un emploi évolue en permanence : apprendre devient un processus continu et il est important de le rappeler aux équipes en général et aux alternants et à leurs tuteurs en particulier.
Principe : Dans une équipe tutorale, le maître d’apprentissage / tuteur « officiel » (celui qui co-signe le contrat d’embauche Cerfa de l’alternant) s’appuie sur son collectif de travail pour tutorer l’apprenant. De tuteur unique, il devient le “tuteur référent” : davantage centré sur l’accompagnement que sur la transmission, il délègue en tout ou partie à ses collègues, chacun(e) dans leur domaine d’excellence opérationnelle, des activités formatives appuyées par des méthodes pédagogiques telles que : la démonstration, l’explication pédagogique, le feed-back à l’alternant, etc. Pour réviser le concept d’équipe tutorale c’est ici !
Avantages de l’équipe tutorale : L’alternant bénéficie ainsi des meilleurs apports possibles, il s’intègre plus facilement au collectif de travail, tout en conservant une relation privilégiée avec son « tuteur référent », notamment lors de la phase d’accueil et au fil de l’eau, à l’occasion des points et bilans réguliers avec lui.
2. Le reverse mentoring pour (re)former aussi le(s) tuteur(s) !
Constat : Chaque personne ayant exercé une fonction tutorale a pu constater qu’en transmettant, on se remettait en cause, donc on apprenait également soi-même.
Principe : Le mentorat inversé ou reverse mentoring, permet comme son nom l’indique d’inverser le processus d’apprentissage. C’est l’alternant qui « forme » son tuteur ou ses pairs.
Avantages du reverse mentoring : c’est l’occasion de sortir d’une approche paternaliste ou maternante du tutorat : sans jeux de mots, le tuteur n’est plus le « père » (ni la « mère ») mais le « pair(e) » de l’alternant. Cette relation “pair à pair” instaure un mode de travail partenarial au sein du binôme tuteur – alternant. L’un apporte à l’autre et vice versa, chacun dans son registre. Le tuteur transmet par exemple ses trucs, astuces, gestes, tours de main, meilleures pratiques, etc. du métier. L’alternant, souvent plus à l’aise avec le digital, la technologie et bénéficiant des dernières connaissances mises à jour qu’il acquiert dans son école, peut d’une certaine façon “former” en retour. Moins ancré dans les routines que ses collègues, il apporte également une autre vision ou une façon différente de réaliser les tâches. Il favorise ainsi la transformation des “modèles mentaux”, des représentations tenues pour vraies par l’équipe.
3. Une nouvelle coopération entre écoles & CFA et entreprises, pour co-construire la compétence in situ et mettre en oeuvre une “alternance intégrée”
Constat : pour permettre l’ancrage des compétences, on ne peut plus se contenter de juxtaposer des enseignements théoriques d’un côté (école) et des situations professionnelles de l’autre (entreprise) en comptant uniquement sur l’alternant pour faire le lien. Il faut réellement articuler les deux au départ du parcours.
Principe : La réussite de l’alternance intégrée repose sur une meilleure collaboration entre CFA/école et l’entreprise accueillant les alternants. Concrètement trois acteurs clés doivent se concerter : les formateurs des écoles ou CFA, les tuteurs des alternants et bien entendu les managers de proximité. Ils coopèrent par exemple pour analyser les activités de travail des alternants, bâtir ensemble des parcours d’apprentissages permettant de mettre en œuvre les acquis de la formation théorique dans les situations de travail réelles des alternants.
Avantages de la coopération entre les acteurs :
- Le tuteur bénéficie d’une feuille de route claire fixée par son responsable hiérarchique, avec des activités pédagogiques précises in situ et des jalons d’évaluations à réaliser avec son alternant,
- Le responsable hiérarchique bénéficie de l’appui méthodologique du formateur du CFA ou de l’école pour réaliser des parcours d’intégration et faire monter en puissance ses tuteurs dans la dimension pédagogique,
- Le formateur du CFA/ de l’école se rapproche des situations de travail de ses apprenants et peut donc ajuster ses enseignements à la réalité évolutive du terrain.
4. L’animation de communautés de tuteurs
Constat : la réalisation d’une mission de tuteur est trop souvent un exercice solitaire. Si vous nous permettez le néologisme, on peut dire que les tuteurs “tutorent” chacun dans leur coin. Difficile alors pour eux d’apprendre de leurs collègues. Et la crise sanitaire n’a rien arrangé dans ce domaine !
Principes : rassembler en réel ou en virtuel des tuteurs pour partager, échanger sur leurs pratiques et résoudre en commun des problématiques liées à l’exercice de la fonction tutorale auprès d’alternants.
Plusieurs formules sont possibles pour animer des communautés de tuteurs :
- Animation en présentiel : après consultation de ressources mises à disposition (vidéos, fiches pratiques, guide du tutorat…) réunir les tuteurs en ateliers de type « retour d’expériences » ou « groupes d’échanges de pratiques »
- Animation 100% à distance : après consultation de ressources mises à disposition, animation à distance synchrone (par exemple, un webinaire ou une classe virtuelle par mois) ou asynchrone (par exemple, via un forum et une FAQ) pour travailler ensemble sur des thématiques ciblées telles que : l’accueil et l’intégration d’un alternant, les techniques pédagogiques pour transmettre, le recadrage pédagogique, l’entretien de bilan avec l’alternant etc.
Vous souhaitez équiper vos tuteurs d’outils et techniques performants pour les aider à exercer leur mission, consultez les produits et services créés par C-Campus sous différents formats : jeux de cartes, livrets pratiques en pdf, modèles, cours digitaux avec vidéos face caméra, saynètes filmées…). Cliquez ici pour découvrir notre offre CampusTuteur.
Avantages de la communauté tutorale :
- Homogénéiser les pratiques et la posture des tuteurs,
- Améliorer la qualité du dispositif d’accueil et d’intégration d’alternants,
- Reconnaître et valoriser la fonction tutorale au sein de l’entreprise.
Deux approches pédagogiques provenant de l’AFEST et renouvelant les pratiques tutorales…
1. La réflexivité donne un second souffle au binôme alternant-tuteur
Inscrite notamment au cœur de l’AFEST, la réflexivité revisite le tutorat et lui redonne de la vitalité. Pour en savoir plus sur la réflexivité, consultez notre article ici
Les remontées des référents AFEST que nous formons sont unanimes : la mise en œuvre de la pratique réflexive dans le cadre des formations en alternance apporte non seulement un second souffle au binôme apprenant-tuteur durant un apprentissage au long cours mais elle génère aussi une accélération de la montée en compétences grâce à un meilleur ancrage. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le référentiel de certification des Maîtres d’apprentissages et Tuteurs (dite certification « MATU ») met l’accent sur la réflexivité combinée aux mises en situation. Le référentiel MATU est consultable ici
2. Le modelage pour développer chez les alternants le “sentiment d’efficacité personnelle”
Le principe du modelage (on vous l’explique en détail ici) est à la fois simple et puissant : il s’agit pour l’alternant de ne pas se contenter d’imiter ses tuteurs et collègues expérimentés : par un processus bien particulier d’observation, il va copier et améliorer leurs pratiques, dans son propre contexte. Ce processus génère alors chez l’alternant un sentiment d’efficacité personnelle (confer les travaux du psychologue Albert Bandura), facteur essentiel de motivation dans un parcours d’apprentissage.
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