Ce que viennent de vivre, ces 5 dernières années, les formateurs et formatrices, peu de professionnels l’ont vécu. Leur métier a été transformé en profondeur, sans que cela fasse la une des journaux.
Il ne s’agit pas ici de se plaindre (j’adore ce métier passionnant depuis 35 ans !) mais simplement de constater : zoomification, digitalisation, individualisation, AFEST, Qualiopisation de la gestion, développement des formations certifiantes (apprentissage et formation CPF) au détriment du stage court… Bref, depuis la loi Avenir Professionnel de 2018, les formateurs et formatrices sont, tels les marins de la “Route du Rhum”, dans une véritable lessiveuse. Ils cherchent de nouveaux repères pour exercer leur métier avec sérénité.
Des échanges avec les personnes que nous formons et perfectionnons aux métiers de la formation (près de 2000 formateurs présentiels, formateurs digitaux, formateurs terrain ou AFEST chaque année) nous faisons le constat que 4 profils s’installent progressivement dans le paysage. Et chacun de ces profils trouve bien sa place dans le champ de la formation professionnelle. A contrario, un cinquième semble désorienté et son identité est mise à mal dans « le monde d’après ».
Voici donc une rapide typologie des formateurs et formatrices, qui se focalise cette fois seulement sur le rôle d’animateur ou animatrice de formation, sans prendre en compte leur statut (occasionnel ou permanent) et qui exclut les niveaux supérieurs d’ingénieur en formation/pédagogique, chef de projet ou encore responsable de formation (cf. notre enquête menée avec notre conseil scientifique au printemps 2021 – cliquez ici).
Type 1 : l’animateur de formation en salle
Avant la tempête, 87% des formations étaient réalisées en salle de formation (cf. enquête européenne Cegos de 2015 – cliquez ici.) Autrement dit, la quasi-totalité des formateurs et formatrices exerçaient leur mission face à un groupe bien présent face à eux !
Aujourd’hui, ces formateurs et formatrices ont migré en grande majorité vers les autres types. Mais ce premier type n’a pas disparu, loin de là. Il remplit toujours une fonction de formation indispensable quand il est bien investi. Ceux qui l’investissent encore pleinement aujourd’hui, présentent les caractéristiques suivantes :
- Ils sont centrés sur la relation, ils se vivent comme des facilitateurs de groupe,
- La dynamique de groupe est leur compétence majeure, plus que l’expertise dans les contenus,
- Ils maîtrisent une large et riche palette de techniques pédagogiques interactives allant des jeux de rôles à la ludo-pédagogie en passant par des techniques de type World Café,
- Ils savent animer les temps de “commensalité” pour en faire des temps pédagogiques (café d’accueil, déjeuner, diner quand la formation est réalisée en résidentiel),
- Ils savent faire vivre des émotions fortes pendant les temps de formation car ils sont convaincus qu’apprendre n’est pas qu’une affaire de raison mais aussi d’émotion (ils ont lu « L’erreur de Descartes » d’Antonio Damasio !),
- Ils n’utilisent pas forcément des outils digitaux, même s’ils n’y sont pas forcément réfractaires. Ils limitent le nombre de leurs diapos au strict minimum (le contenu n’est pas leur tasse de thé comme vu précédemment) et préfèrent les post-it, les jeux de cartes, les outils de type Metaplan aux Klaxoon, Kahoot et autres solutions digitales d’animation.
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Type 2 : l’animateur de classe virtuelle
C’est dans ce deuxième type que nous retrouvons le plus grand nombre des anciens formateurs et formatrices de salle de formation. Difficile aujourd’hui d’avoir des statistiques fiables car leur activité dépend encore de la conjoncture (règles sanitaires et cet hiver probablement règles de sobriété énergétiques) mais force est de constater que la formation en classe virtuelle deviendra la norme dans les années futures, tandis que la formation en salle ne représentera plus qu’une pratique minoritaire.
Si certains ont pris peu de goût à cette nouvelle façon de former, d’autres, à l’inverse, y ont trouvé de nombreux avantages. Sans parler des facilités d’organisation et des effets sur sa gestion du temps, voici ce que nous pouvons entendre de la bouche des formateurs et formatrices privilégiant l’animation par classe virtuelle :
- Ils estiment que la transmission des connaissances est facilitée car les exposés sont plus denses et les outils conversationnels des solutions logicielles de type Zoom ou Teams permettent d’accélérer les échanges,
- En maîtrisant des outils de Quiz et de participation tels que Kahoot ou Klaxoon, l’évaluation des connaissances est facilitée,
- La fonction de sous-groupe leur permet d’animer des travaux de sous-groupes, de façon mieux « timée » qu’en présentiel,
- Bref, les formateurs et formatrices convaincus par la classe virtuelle sont peut-être un peu moins orientés vers la facilitation mais ils se disent que pour la transmission de connaissances, c’est une techno-pédagogie peut-être plus efficace encore que le présentiel. Et en tous les cas, bien plus économique…
- … mais pour réussir, une condition est requise : ne pas être effrayé par les outils digitaux, comme nous le verrons pour le cinquième type.
Type 3 : l’animateur de communautés virtuelles
Ce troisième type va plus loin dans la digitalisation de la formation. On pourrait presque les qualifier de « geek » dans le monde de la formation. Certains viennent des rangs de la formation présentielle, mais la plupart sont des nouveaux entrants dans le domaine de la formation. Ils explorent de nouveaux champs de pratiques, qui ne seront peut-être pas majoritaires à l’horizon de quelques années mais trouveront certainement leur place à côté du type 2.
- Ils fondent leur métier sur leur expertise du contenu,
- Et surtout, ils ont la capacité à le médiatiser,
- Ils créent en permanence des modules de digital learning (video-learning, micro-learning ou e-learning).
- Ils maîtrisent les techniques digitales mais aussi les codes des réseaux sociaux et du « game »,
- Autour de ces modules, ils créent de l’animation selon le principe des communautés. Mais à l’inverse des types 1 et 4, ils ne sont pas dans la relation mais plutôt dans le simple échange informationnel. Ils répondent aux questions que leur posent leurs apprenants mais rêvent d’un monde où la réponse pourrait être faite par de l’IA.
- Ils sont dans l’individualisation de la formation (chaque stagiaire apprend à son rythme et selon ses besoins grâce à la communauté), mais cette individualisation est industrialisée grâce aux plateformes qui portent leurs offres de formation.
Bref, ce troisième type est plus proche du Youtubeur ayant flairé le filon de la formation (notamment du CPF ou de la formation BtoC) que du formateur prenant du plaisir dans l’échange, le partage, l’aide et l’accompagnement.
A noter : pour l’instant, nous ne le voyons pas encore émerger dans les entreprises. Mais nous ne serions pas surpris de voir des grandes entreprises mettre en place ce « formateur du 3ème type », car il leur permettrait de réaliser de belles économies dans leurs formations techniques. Et surtout, de passer à un apprentissage en flux continu (à tout problème, une solution pédagogique !)
Type 4 : l’accompagnateur
L’accompagnateur est d’une certaine manière à l’opposé de l’animateur de communautés. Lui aussi inscrit sa pratique dans une logique d’individualisation de la formation, mais il le fait à la manière d’un coach, d’un facilitateur.
Nous rencontrons ce nouveau type de formateur essentiellement dans nos formations AFEST et formation terrain, mais également chez les formateurs intervenants sur des formations longues et certifiantes :
- Ils sont orientés sur la réussite individuelle de leurs apprenants et leur satisfaction se situe dans le contact humain ainsi que dans le support et l’aide qu’ils apportent à des personnes prises séparément,
- Ils maîtrisent les techniques d’accompagnement : positionnement, remédiation, régulation des motivations, plus encore qu’une expertise métier,
- Ils sont capables de pratiquer l’évaluation formative mais aussi prescriptive et sommative,
- Comme le type 1, ils n’ont pas forcément besoin d’outils digitaux mais ils peuvent les utiliser si le dispositif dans lequel ils s’insèrent, utilise ce type d’outils (par exemple dans l’AFEST avec des solutions de traçabilité).
L’accompagnateur est un profil de formateur qui se développera avec la montée en puissance de l’AFEST et des formations longues et certifiantes, qui nécessitent de plus en plus d’organiser des temps de remédiation et de régulation.
Certains grands organismes de formation, tel l’AFPA, ont déjà cette fonction d’accompagnateur. D’autres en ressentent le besoin mais ne savent pas encore comment l’organiser et surtout la financer (c’est le cas par exemple dans les nouveaux CFA).
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Type 5 : “Lost in formation”
Ce cinquième type est le grand perdant des transformations radicales en cours. Si les quatre premiers trouvent leur place et prennent du plaisir dans leur métier, à l’inverse les “Lost in formation” ou si vous préférez les perdus du monde de la formation, ont du mal à retrouver une identité en accord avec leurs compétences et leurs centres d’intérêts. Ces « désorientés » se caractérisent le plus souvent par les caractéristiques suivantes :
- Ils viennent de la formation présentielle qu’ils exerçaient en faisant appel quasi exclusivement à des techniques pédagogiques de type « transmissives » (exposé, démonstration),
- Quand ils se retrouvent à distance, ces approches pédagogiques passent beaucoup moins bien. Ils se retrouvent le plus souvent devant des écrans noirs, les participants coupant leurs caméras, car leurs exposés, trop longs et monologues, ennuient vite…
- De surcroît, ils ont souvent une appréhension face aux outils digitaux et par conséquent, ils ont du mal à se reconvertir vers le type 3. Ils n’ont pas non plus, pour la plupart, une expertise suffisante pour faire autorité dans leur domaine et donc être légitime pour concevoir des modules d’auto-formation (cf. type 3),
- Ils ont également du mal à se réinvestir dans le type 4 « Accompagnateur » car la relation individuelle, la médiation pédagogique, ne les intéressent pas.
Anecdote : lors d’une de mes conférences auprès de formateurs, l’un d’entre eux après m’avoir écouté patiemment présentant le type 4 de formateur, a demandé le micro et m’a interpellé : « Comptez pas sur moi pour devenir ce nouveau formateur dont vous parlez : je suis pas leur maman à mes apprentis ! »
Alors ils essaient de continuer à faire de la formation en salle, mais leur style d’animation ne répond plus vraiment aux attentes des apprenants, qui au mieux vérifient sur Google qu’ils ne disent pas de bêtise et les reprennent si nécessaire, et au pire jouent avec leur smartphone.
Bref, ils sont perdus. Et plutôt que de les condamner, il vaudrait mieux les comprendre. Ils ne sont pas rentrés dans le métier pour l’exercer, comme il s’exerce aujourd’hui. Et surtout, il faudrait les aider à trouver des solutions, soit en les faisant évoluer vers d’autres fonctions, soit en mettant les moyens pour les accompagner réellement. Car ce n’est pas un ou deux jours de formation qui leur sont nécessaires, mais de véritables accompagnements dans le long terme, afin qu’ils puissent se diriger sereinement vers l’un ou plusieurs des 4 nouveaux types de formateurs et formatrices.