Une nouvelle année débute pour la formation en entreprise. Nous l’espérons, comme vous, plus sereine que les trois années précédentes. Car reconnaissons-le, elles n’ont pas été de tout repos pour les organismes de formation : activité en dent de scie, adaptation dans l’urgence à la distancialisation des formations, réglementation en perpétuelle évolution. Bref, il fallait être accroché pour tenir la barre.
Nous l’avons tenu, et plutôt bien tenu grâce à la fidélité de nos clients et à l’engagement de nos équipes. Et au final, c’est avec un bel optimisme que nous entrons dans cette nouvelle année. Nous voyons quelques signaux faibles très encourageants pour l’avenir d’une formation en entreprise, plus mature et plus pertinente.
Du côté de la réglementation : vers une correction des abus !
La réforme de 2018 à peine mise en oeuvre, nous repartons pour un nouveau cycle législatif. Mais cette fois-ci, il ne s’agira pas du “big bang” déclaré par la Ministre du travail de l’époque. Nous nous dirigeons vers un ensemble de textes qui devraient corriger les travers des précédents. Depuis 2018, on ne compte plus d’ailleurs les évolutions du code du travail dans le domaine de la formation. Ces textes devraient avoir comme ligne de force, de conserver les principes de la réforme de 2018 en en corrigeant les abus. Ce qui pourrait donner en résumé :
- Sur l’apprentissage : comment atteindre l’objectif d’un million d’apprentis (on est passé en 5 ans de 350 à 700.000 environ) tout en réduisant les déficits liés à ce dispositif. La réponse va porter essentiellement sur la réduction des aides et des coûts contrats. Si, comme le gouvernement semble le faire, on écarte l’augmentation de la taxe d’apprentissage, il ne reste que l’optimisation des coûts par l’amélioration de la qualité. En clair, les coût contrats baisseront fortement dans les années à venir et pour éviter les faillites des CFA, il faudra bien les aider à mettre en place des dispositifs plus performants. S’attaquer au taux d’abandon (qui frôle les 30%) par une meilleure sélection des apprentis et surtout un meilleur accompagnement et une meilleure implication de l’entreprise d’accueil dans la formation, est une solution évidente. Mettre en place des modalités pédagogiques plus efficientes que la simple juxtaposition “cours en CFA + application terrain” est l’autre solution incontournable. Pour ce faire, il faudra aider les CFA à développer l’autoformation à distance et surtout l’AFEST. Des avancées ont eu lieu récemment avec le Vademecum du 25 mars 2022, reste l’appropriation par les cofinanceurs de cette nouvelle logique.
- Sur le CPF : la fin de la récréation semble avoir sonné. Et nous nous en réjouissons ! Avec la fin du démarchage (déjà acté) et surtout le retour de la co-construction, on devrait revenir à des bases plus solides pour ce dispositif indispensable. Mais il faudra être vigilant. La co-construction, ce n’est pas forcément le ticket modérateur (ce qui semble se tramer), c’est un juste co-investissement par l’entreprise pour les salariés et par les co-financeurs pour les non salariés (Pôle Emploi, Agefiph, FIF PL, Transition Pro, etc.)
- Sur le plan de développement des compétences : le passage par paliers de la fin de la mutualisation des fonds de la formation semble définitive. Nous aimerions nous tromper. Mais le retour de la mutualisation ou d’un crédit d’impôt pour les entreprises de 50 à 300 salariés ne semble plus être d’actualité. Les entreprises devront faire avec, ou plutôt sans. Il leur reste cependant des outils formidables si elles savent s’en saisir : l’AFEST pour la formation d’intégration ou le perfectionnement des équipes, au plus proche de leurs besoins en compétences, ainsi que le co-investissement du CPF (si des incitations les poussent à s’engager dans des politiques de ce type).
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Du côté de la technologie : vers un retour à la sobriété ?
Ces dernières années la pédagogie s’est transformée en techno-pédagogie. Classe virtuelle, présentiel augmenté, LMS, XLMS, TMS, IA, micro learning, plateforme de micro doing, formation immersive, Serious Games, VR, Réalité augmentée et… bien sûr Metavers. Le vocabulaire s’est considérablement enrichi. Après ce feu d’artifice techno-pédagogique, on semble entrer dans une ère de reflux. Pour deux raisons :
- Toute période d’innovation engendre un temps de créativité extraordinaire et elle est suivie par une phase où les meilleurs produits résistent et les moins bons (à l’usage douteux) disparaissent. 2023 pourrait marquer le début de cette nouvelle phase.
- La sobriété énergétique ne sera pas sans influence sur la technologie. Jusqu’à présent, dans l’imaginaire collectif, le digital était par définition écologique. Mais aujourd’hui avec l’évolution de technologies de plus en plus gourmandes, ce principe est battu en brèche.
Conclusion : on pourrait entrer dans une phase de maturité techno-pédagogique. L’engouement pour tout ce qui est digital, parce que c’est digital et que ça fait Waouh ! semble derrière nous. Demain, les critères qui permettront à une nouvelle techno de s’imposer dans le monde de la formation seront le gain d’usage pour l’apprenant et son niveau de rendement énergétique.
Du côté de l’économie : vers un marché moins erratique !
Difficile pour l’instant d’avoir des chiffres fiables sur le marché de la formation (il faut attendre au moins deux ans les “Jaunes Budgétaires” !) mais globalement, dans son ensemble, le marché de la formation a bien résisté. Reste que les chiffres globaux ne veulent pas dire grand chose. Ceux qui étaient prêts pour le digital learning ou qui pouvaient proposer des offres en apprentissage ou en CPF sont sortis gagnants. Les autres ont accusé le coup. Notamment tous les organismes de formation qui avaient fondé leur activité sur le stage de formation court et non certifiant.
Nous avions annoncé, il y a fort longtemps la “déstagification” des formations. Et il nous aura fallu attendre un alignement de planètes (réforme + AFEST + digital + crise sanitaire) pour la voir enfin arrivée. Mais elle est bien là. Et les organismes qui feignent encore de ne pas la voir, risquent d’avoir du souci à se faire.
Clairement, de nouvelles offres sont à créer, davantage basées sur l’abonnement individuel et sur le conseil ou sur la formation-action pour des équipes constituées, que sur le simple stage de 2, 3 ou 5 jours, quand bien même serait-il certifiant.
Les financements sont toujours là, le marché est toujours solvable car les besoins en formation sont chaque année plus importants mais les entreprises comme les particuliers et les co-financeurs ne sont plus prêt à acheter des services de formation, qui ne correspondent que partiellement en leur besoin.
Du côté de la pédagogie : vers la rencontre des quatre mondes pédagogiques !
Pour prendre une image, ces dernières années nous avons eu le sentiment que les modalités pédagogiques se livraient une bataille. Le digital learning chassait sur les terres du présentiel, puis c’est la classe virtuelle qui est venue tout balayer sur son passage et, aujourd’hui c’est l’AFEST qui se fait une place au soleil de la pédagogie.
Cette vision, souvent portée par les offreurs de formation (notamment techno), est caduque. De cet hypothétique match, va sortir une monde pédagogique apaisé, où les 4 grandes modalités pédagogiques (présentiel, distanciel, digital learning et AFEST) vont se croiser pour favoriser l’émergence de pratiques de multimodalité et même de comodalité (cf. notre article sur le sujet).
Les modalités s’enrichissent mutuellement, en s’entrecroisant dans un même parcours. Aucune modalité n’est meilleure qu’une autre. La seule chose à garder en tête est le principe d’alignement pédagogique (cf. notre article sur le sujet). Il est temps d’enterrer la hache de guerre des pédagogies !
Du côté de la professionnalisation des acteurs : vers un développement des compétences dans la sérénité !
Conséquence des transformations précédentes, l’enjeu de l’évolution des compétences des acteurs de la formation devient de plus en plus sensible. Et notamment celle des formateurs. Comme nous l’avons rappelé dans un article récent – cliquez ici, les organismes de formation vont devoir mettre en oeuvre de véritables parcours de montée en compétences de leurs équipes, pour éviter qu’un trop grand nombre d’entre eux restent sur le bord de la route.
Les dirigeants des organismes de formation vont devoir passer du discours incantatoire “Passez au digital” à un véritable accompagnement de la transformation du métier. Métier, qui va évoluer inéluctablement du “Passeur de savoir” au facilitateur d’apprentissage. Cela n’a rien de nouveau, nous le disons depuis des années sur ce blog, mais 2023 et les années futures devraient être une inflexion dans le développement des pratiques de facilitation. Très occupés ces dernières années à former leurs formateurs à l’animation de classes virtuelles, les organismes de formation vont devoir investir dans la formation de leurs formateurs, pour les aider à pratiquer la formation multimodale, voire comodale.