Après une présentation globale, la semaine dernière, de ce que pourrait être la formation d’après le Covid-19 (cliquez ici) et des articles plus méthologiques sur la conception et animation de formation à distance (cliquez ici ou ici ou encore là), Yann Bonizec, directeur Digital Learning chez C-Campus, nous livre dans ce billet d’humeur sa vision de la formation à distance ou FAD d’après le Covid-19.
Une innovation débridée et salutaire
J’observe que la crise sanitaire amène un grand nombre d’acteurs à innover, bidouiller, essayer, tester, à sortir de leur zone de confort et à prendre des risques pour trouver des solutions afin de continuer leur business ou tout simplement de survivre. Cette impulsion arrive à un moment de notre histoire assez incroyable où la convergence technique s’est finalement réalisée entre l’audiovisuel, les télécoms, les réseaux, les éditeurs, notamment via et grâce à Internet (ou “à cause ?”, diront certains) . A ces deux tendances, d’autres pourraient certainement s’ajouter : culturelles, sociales, politiques, idéologiques, réglementaires… mais c’est une autre histoire.
Bref, les acteurs innovent et ont les moyens techniques de le faire sans trop de difficulté. Il en ressort qu’ils s’aperçoivent que la formation à distance – ou le “Remote Learning” devrais-je dire car il faut donner des noms nouveaux à tout – est non seulement possible mais parfois plus pertinente d’un point de vue pédagogique, financier, logistique… que des actions plus traditionnelles telles que le stage présentiel.
Du coup, le marketing faisant son oeuvre, la FAD devient la panacée, comme le Digital Learning l’était ces dernières années. Le monde de la formation est friande de mode. La génération PS3 ou Xbox se rappellera des serious games, du mobile learning, du rapid E-Learning, du social learning, bref de tout ce qui sonne en Learning pour faire globish ! La génération des jeux Atari, a encore en mémoire les satellites éducatifs ou l’EAO. Quant aux formateurs qui ont démarré leur carrière sans ordinateur (si, si ils sont plus nombreux qu’on ne le croit), ils auront une pensée émue pour la dynamique de groupe et sa technique des groupes Balint ou la formation-action.
Nous savons tous qu’après l’engouement pour le héros du jour, vient la déception et l’opprobre (je l’ai vécu plus de trois fois dans le digital learning) : ce sont des courbes sinusoïdales récurrentes qui alimentent le marché… Mais après le ressac, la grève apparaît transformée. Il reste toujours quelque chose (et souvent le meilleur) de ces innovations ou mêmes de ces modes. C’est pourquoi, la période que nous vivons d’une FAD débridée, d’une FAD réalisée dans l’urgence, d’une “FAD Bushcraft” est certainement salutaire pour le monde de l’ingénierie de formation et l’ingénierie pédagogique.
La FAD, réponse à tout ?
Dans certains contextes de formation, la FAD a toujours été une évidence mais elle ne s’est pas développée à sa juste valeur par habitude, paresse, peur… A ce titre la crise sanitaire fait effet de révélateur. C’est une bonne chose que certains dispositifs de FAD gagnent leurs lettres de noblesse au passage, soient légitimés et passent dans les usages.
Ces contextes sont à l’évidence :
- Les formations centrées sur les savoirs et savoir-faire (les formations dites “papier-crayon”),
- Les formations pour des publics nomades ou télétravailleurs, bien équipés (en terminaux, en bande passante, en espace-temps facilitants),
- Les formations pour des publics ayant de bonnes capacités à apprendre par eux-mêmes, motivés et sachant planifier leur apprentissage,
- Les formations pouvant être réalisées par des formateurs équipés, formés et “convertis” à la FAD (cf. “Digital learning, une question d’identité professionnelle pour les formateurs“)
- Les formations difficiles à organiser du fait de l’éloignement des apprenants (et pour la période du Covid-19 du confinement ou du déconfinement progressif),
- Etc.
Dans d’autre contextes de formation, la FAD n’est pas une réponse pertinente mais elle permet d’offrir un service de remplacement suffisant à d’autres modalités impossibles à mettre en place dans la conjoncture. C’est un mode dégradé mais acceptable. Faut-il arrêter de se former durant une crise de ce type ? A mon avis non ! Je dirais presque “au contraire !”. Ça montre notre capacité d’adaptation donc quelque part notre intelligence de la situation. Mais ces modalités sont pertinentes actuellement de façon conjoncturelle. Elles n’ont pas matière à subsister à la sortie de la crise car on rentrerait dans une nouvelle routine pédagogique absurde.
La FAD, avant tout une question de finalité et d’ingénierie
Pour savoir s’il faut faire ou ne pas faire de la FAD, il faut penser la FAD à travers la grille d’analyse de l’ingénierie de formation et de l’ingénierie pédagogique. Que nous dit cette grille de lecture ?
1. La formation n’est pas une finalité, mais un moyen pour développer des compétences individuelles et collectives au service de la performance.
Et cette performance, aujourd’hui, doit-être économique, mais aussi et peut-être plus que jamais, sociale et écologique. C’est à l’aune de la finalité de la formation qu’on pourra évaluer la pertinence de la FAD, et non pas à travers un diktat de je ne sais quelle mode du marketing pédagogique.
A ce titre, on ne pourra pas faire l’économie d’une réflexion sur la vertu mais également les risques sociaux et environnementaux de la FAD. A la réduction des déplacements répondra la dépense énergétique liée aux classes virtuelles. A la flexibilité pour des publics biens équipés, se posera la question de la fracture pédagogique inéluctable pour les publics touchés par l’illectronisme ou l’illettrisme numérique.
2. Une formation réussie est un dispositif dont l’ingénierie de formation, et dans sa suite l’ingénierie pédagogique, a pour vocation d’articuler de façon harmonieuse traditionnellement pertinence et efficience.
- Pertinence : pour tous les acteurs du dispositif (commanditaires / prescripteurs, professionnells, apprenants, prestataires…) : elle doit faire sens et apporter de la valeur.
- Efficience : c’est de l’ingénierie et pas de l’artisanat de luxe. On doit trouver la façon de faire “le plus avec le moins” et dépenser le moins de ressources possibles pour produire et développer un service de qualité auprès de tous les acteurs engagés.
A cela je rajouterai un autre point, moins reconnu dans les démarches d’ingénierie classique et qui me semble pourtant au fondement du métier de la pédagogie : l’humanité, l’empathie, le respect de l’autre, cette ardeur qu’on met tous les jours à accompagner des humains à progresser.
Tout ça pour dire que le meilleur dispositif de formation reste celui qui est adapté à une situation spécifique et ceci de façon multidimensionnelle : pédagogiquement, techniquement, humainement… Cela n’empêche pas une forme de standardisation, de rationalisation ou de marchandisation. Mais quand on choisit la FAD, comme quand on choisit tout autre modalité pédagogique, on doit s’interroger sur sa pertinence, son efficience et son humanité.
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